Ayant soutenu avec brio, en ce mois de mars, une thèse unique de doctorat en Histoire économique et sociale à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody, il importe de révéler que la trajectoire de cet impétrant, un érudit atypique, rompt les amarres d’avec un cursus classique. Etrange, mais ô combien heureux destin pour Dr Daniel Rikié Boussou.
Rencontré, au gré de différentes visites et/ou séances de travail au cabinet Xtramed (Lobbying, Relations publiques, Veille stratégique) cher au journaliste/communicant Gustave N’Guessan, rien ne pouvait présager que derrière son entregent et sa bonne humeur, le vigile de service qui nous accueillait dans son uniforme jaune-gris, pouvait, du jour au lendemain le troquer contre une toge verte de « Docteur » ! Eh bien, c’est ce tour de passe, quasi-magique, qu’a réussi, en l’espace d’une décennie, Daniel Rikié, désormais Dr Boussou, avec sa thèse unique de doctorat en Histoire économique et sociale traitant de « La politique économique de l’Etat et le développement de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1994 ».
Un air de… Wangrin
Retour sur une vie, une leçon de vie qui donnerait force de vie à la locution latine « Ad augusta per angusta » ou encore une dose de réalisme à l’ouvrage de Hampaté Bâ : » L’étrange destin de Wangrin ». La citation latine, en effet, « Ad augusta per angusta » signifie en français : « Vers les sommets par des chemins étroits ». Dont il faut comprendre, par déduction hypothético-déductive que la gloire ne s’acquiert pas facilement.
Bien plus, tel le personnage de Wangrin dans le conte initiatique peuhl, Boussou Rikié Daniel Marie-Féreole, à l’état civil raconte, se raconte : « Mon parcours se résume en trois étapes. La première étape part du Cycle primaire au Cycle secondaire. J’ai fait mes études primaires à Marcory, puis à Adjamé. Après l’obtention de mon Bepc, j’ai été orienté au Lycée technique d’Abidjan en série AB (Sciences économiques). Ce choix venait du fait que je nourrissais cette envie d’être un jour banquier, et ayant été admis au baccalauréat série B, j’ai décidé de poursuivre mes études universitaires toujours dans la filière des Sciences économiques. Finalement, j’ai été retenu en Histoire du fait des notes au baccalauréat série B. La deuxième étape où la période des difficultés. En 2002, certaines facultés n’ont pas pu dispenser les cours pour des raisons que j’ignore, cette année a été qualifiée « d’année blanche » par les étudiants. Les années qui ont suivi ont été des années normales, sans interruptions jusqu’à la Licence. Après l’obtention de la Licence, nous avons opté pour la Recherche. Ce choix se justifie par le fait que nous nous sommes dit au cas où nous n’étions pas reçus au concours de la Fonction Publique, nous avons toujours cette possibilité de poursuivre toujours les études universitaires. En 2009-2010, nous avons soutenu notre Mémoire de Maîtrise, puis notre Dea (Diplôme d’étude approfondie) en 2010-2011. En 2011, du fait de la crise, l’université étant fermée, mon père étant décédé et ma mère ayant perdu son emploi, j’ai dû moi-même chercher un emploi pour me prendre en charge, et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans une société de sécurité de la place où j’ai exercé ce métier pendant 2 ans avant d’être recruté par le cabinet Xtramed en tant qu’agent de sécurité et coursier-vaguemestre ».
Avant d’aborder le troisième terme de cette trilogie d’une vie palpitante, loin d’être au long cours tel un fleuve tranquille, il sied de revenir sur l’analogie avec l’œuvre susmentionnée du grand sage africain. Amadou Hampaté Bâ, grand défenseur de la tradition orale africaine, raconte dans son ouvrage éponyme, l’histoire de Wangrin, l’homme qui parviendra à se hisser au sommet de la puissance et de la fortune en bravant impunément la chance.
Le jour où tout a basculé ?
Ainsi donc, la troisième étape du parcours de Dr Boussou, pourrait être estampillée du sceau du coup de poker-menteur où la période de grâce. Car, n’ayant pas informé son employeur, encore moins ses « collègues » du cabinet de ce qu’il poursuivait des études doctorales, financées par son emploi de vigile, il a failli perdre son poste. N’eût été, l’enchantement, a contrario, que cela suscita. Boussou s’en explique : « En 2012, étant en poste la nuit, j’attirais l’attention de mon patron avec de nombreux documents, ce qui était contraire aux règles de la sécurité. Plutôt que de subir ses foudres, c’est, au contraire, à des encouragements et à un accompagnement de tous les instants auxquels j’ai eu droit ». Au-delà, poursuit l’ex-veilleur de nuit qui s’érigea en « L’Etudiant noir », pour paraphraser l’ouvrage d’anthologie de Camara Laye, « Le contrat étant entre la société de gardiennage et le cabinet ayant été résilié, j’ai eu la chance d’être retenu dans le cabinet en qualité de coursier. Mon boss sachant le but que je voulais atteindre, il a eu beaucoup de mansuétude à mon égard. De même que mes collègues qui me baptisèrent, tel un signe avant-coureur, « Docteur ». L’appétit venant en mangeant, j’ai pu économiser afin de financer mes études doctorales et d’être confirmé docteur aujourd’hui. Je tiens à dire merci au cabinet qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. En conclusion, on retient que la patience est un chemin d’or et on peut partir de rien pour réussir demain ».
Cette profession de foi qui rime avec humilité, s’apparente, avec un bémol toutefois, à l’étrange destin de… Wangrin. Car, Wangrin va, dans une Afrique coloniale sectaire qu’on peut apparenter à la jungle sociale de ce siècle, pénétrer les arcanes du pouvoir et s’en servir tout d’abord à son profit, ensuite, à celui de ses frères africains pauvres et défavorisés. Il va s’enrichir au nez et à la barbe des administrateurs coloniaux et surtout à leurs dépens, et ceci avec une grande jubilation. Toute chose qu’on pourrait imager par la quête du savoir même quand les coups de la vie vous entraînent dans des méandres inclinant au découragement.
Ainsi comme Wangrin, on s’attache aux pas de Dr Boussou. Toujours généreux et agissant avec noblesse. Même s’il n’est pas à lui souhaiter la fin du personnage livresque lorsqu’il aura tout perdu, osons espérer que dans son ascension sociale et académique, apparaitra inlassablement la vraie grandeur qui sied à tout érudit. A l’instar de Wangrin qui, dénué de tout, sait encore rire de lui-même et de ce qui l’entoure. Et pouvoir donner en leçon à la postérité, sa vie.
Frat Mat