« Pour aller plus vite, j’additionne toujours de bas en haut : je fais du même coup l’addition et la preuve »

(De Aurélien Scholl)

Mamadou Koulibaly, on le sait est un « produit politique » de Laurent Gbagbo. En effet, c’est le président Gbagbo qui a rendu très célèbre l’ancien président de l’assemblée nationale de notre pays. Il a largement inspiré le programme de société du FPI, en tout cas, dans son volet économique. Considéré comme un faucon de l’ancien régime, il a claqué la porte du front populaire ivoirien (FPI) en 2011, après la chute du régime. Après sept ans de séparation, Mamadou Koulibaly et le FPI semblent intéresser à mettre fin à cette période de désamour. La présente réflexion donne les raisons pour lesquelles les deux parties n’ont pas d’autre choix que de se remettre ensemble. Mais avant, revenons de façon brève sur les raisons évoquées par l’ancien président de l’assemblée nationale, pour quitter le FPI. Le 11 juillet 2011, lors de la création de Lider, il disait ceci : « Mon engagement au sein du FPI étant allé jusqu’à l’épuisement de toutes les possibilités compatibles avec mes convictions, j’ai décidé (d’y) mettre un terme….. ». Pour comprendre les raisons de son départ, empruntons au site d’information (Koaci.com), cette phrase : « Il a fustigé le refus de la direction du parti de tout changement. ». Au-delà de cette phrase, les divergences se situaient au niveau de la stratégie à adopter pour les futures batailles. Revenant sur la stratégie qu’il avait souhaité que le parti adopte suite à l’arrestation de Laurent Gbagbo, Mamadou Koulibaly, précise. « Moi j’ai dit à mes amis que l’action directe libérez Gbagbo, libérez Gbagbo ne paie pas. Il faut plutôt utiliser une action stratégique détournée. Ma stratégie, c’était de dire, laissons Gbagbo là où il est. Commençons à montrer les crimes causés par les FRCI à partir de la date où le président Ouattara a signé une ordonnance portant création des FRCI. Si nous arrivons à montrer à la CPI, à la justice mondiale, que les hommes qu’il a lui-même créé par ordonnance sont des criminels, tuent, violent, pillent là-bas à Duékoué, à Arah, à Vavoua, à Sikensi, à Anyama, à Azaguié et à Abobo, et si nous documentons cela, alors la justice internationale se retrouvera avec d’un côté, Gbagbo criminel à juger et de l’autre côté Ouattara, Soro, Fofié, Chérif, Ben Laden, tous les Com zones criminels à juger. Ce sera à la justice d’émettre des mandats et de venir chercher tout le monde. Si la justice internationale n’est pas capable de ramasser tout le monde pour aller les juger, elle sera soit obligée de libérer le prisonnier qui est là-bas soit, alors de montrer qu’elle est incapable d’être une justice mondiale. ». L’ex-président de l’assemblée nationale poursuit pour dire : « J’ai été chassé du FPI parce qu’ils n’ont pas compris qu’elle était ma stratégie ».

Aujourd’hui, le temps semble propice pour une réconciliation entre Mamadou Koulibaly et ses anciens camarades. Deux raisons militent en faveur d’une telle situation. La première est politique. Pour Mamadou Koulibaly, la réalité politique avec son parti (Lider), n’est pas reluisante. Depuis 2011, le parti n’a pas véritablement décollé. En outre, les multiples départs de certains cadres du parti et la crise actuelle, ont fini par convaincre l’ex-président de l’assemblée nationale, qu’il doit revenir à ses premiers amours. Après sa visite à la Haye, la Lettre du continent faisait état de ce que l’homme politique avait évoqué un éventuel retour au FPI. Il a affirmé avoir ressenti un « désir profond d’unité de l’opposition »« Ce n’est pas une affaire entre Koulibaly et le Fpi, c’est une affaire entre l’opposition ivoirienne et sa base qui demande à voix haute une plus grande harmonie, un rassemblement plus cohérent pour que cette opposition devienne encore plus décisive », a-t-il déclaré.

Du côté du FPI, la division interne entre les pro-Sangaré et les pro-Affi a fini par émousser les militants. Dans un tel contexte, le retour de Mamadou Koulibaly au FPI pourra galvaniser les militants. D’ailleurs, la jeunesse du FPI a toujours considéré Mamadou Koulibaly comme le successeur de Laurent Gbagbo. La « météo politique » indique que la « maison FPI » est prête à accueillir «  l’enfant prodigue », pour reprendre la parabole des Evangiles. A notre avis, ce qui reste à gérer, ce sont les humeurs des uns et des autres. En effet, comme indiqué dans cette parabole, après le retour de l’enfant prodigue, le fils ainé resté à la maison, a ressenti une jalousie maladive. Il n’est pas exclu que certains estiment être fidèles mais moins récompensés, moins bien aimés, moins respectés  que le frère « infidèle » parti au loin en abandonnant ses parents.  Dans tous les cas, en politique, on réussit par addition et non par soustraction. De ce point de vue, on comprend pourquoi le président Gbagbo a reçu l’ex-président de l’assemblée nationale et non le président Affi, car le  souhait profond des vrais parents est que leurs enfants volent de leurs propres ailes. Au-delà de cette prochaine réconciliation, c’est toute l’opposition qui doit s’entendre pour mettre un point final à la gestion catastrophique du régime actuel.

Dr. Prao Yao Séraphin