2 –L’intérêt national prime toujours
Dans la première partie de notre analyse contributive au débat, nous avions manifesté que ce qui avait été présenté par l’article paru dans le journal IvoireDiaspo.net du 01/02/2018 comme une “Opposition historique” insurmontable était, à nos yeux, bien loin de constituer un frein à une éventuelle alliance FPI-PDCI. Cette seconde partie va alors s’articuler autour de cette “Opposition idéologique” qui avait également été évoquée comme étant un autre frein. Il me fait vraiment sourire, l’auteur de l’article. Il me rappelle, à des siècles de distance, ces grands bâtisseurs égyptiens des temps anciens qui construisaient des pyramides colossales et toujours y plaçaient quelque part un petit mécanisme qu’il suffirait de toucher pour que tout s’écroule comme un vulgaire château de cartes.
Il nous dit : « la deuxième raison est liée aux idéologies des deux partis. Le FPI est un parti se réclamant de la gauche socialiste, tandis que le PDCI se range dans le champ d’un centre-droit libéral » et ajoute comme « seul point idéologique commun entre les deux formations : les idées nationalistes, qui ont été défendues par les deux partis au cours de leur histoire ». Si donc le FPI et le PDCI, ont en commun « les idées nationalistes » comme il le dit lui-même, que leur manquerait-il d’autre pour constituer une alliance? Car l’attachement passionné à la nation, l’amour de la nation prime toujours. Quand l’intérêt supérieur d’une nation est en jeu, les clivages idéologiques ne comptent jamais. Si les deux partis sont déjà d’accord sur la défense des idées nationalistes, sur une politique commune ayant pour objectifs essentiels l’indépendance, l’unité, la prospérité de la nation ivoirienne et du peuple ivoirien, c’est justement sur ce socle qu’ils peuvent et doivent fonder leur union.
L’intérêt supérieur de la nation est en réalité ce qu’il y a de plus important pour aller à une alliance. N’oublions pas que le FPI et le PDCI sont deux partis politiques qui ont été nourris à la même mamelle idéologique de gauche pour avoir, à leur création, bâti chacun son projet de société sur la lutte contre la domination impérialiste et l’asservissement sous toutes leurs formes. Créé en 1982, le FPI fut d’abord un mouvement clandestin d’obédience marxiste-léniniste qui se constituera en parti politique en 1988 au congrès de Dabou et se battra pour l’instauration du multipartisme en Côte D’Ivoire. En 1990, il sera officiellement reconnu comme parti politique, deviendra membre de l’Internationale Socialiste en 1992, se réclamera du socialisme démocratique, prônera la transition pacifique par les urnes et, dominé par les idées nationalistes, fera de la lutte contre le néocolonialisme sa grande priorité.
Le PDCI-RDA fut d’abord un parti nationaliste de gauche avant d’être transformé sous les vicissitudes de la colonisation en un parti libéral de centre-droit. Créé en 1946 à l’époque du régime colonial d’administration directe, confronté à un colonialisme pur et dur qui privait les Ivoiriens des droits et libertés les plus élémentaires, il se fixa pour objectifs essentiels la lutte contre l’exploitation coloniale et l’émancipation des ivoiriens par la voie démocratique. C’est sous la répression particulièrement sauvage conduite par le gouverneur Laurent Péchoux, en fonction de 1948 à 1952, que ce parti va rompre avec la gauche en se désapparentant au Parti Communiste qui l’avait très activement soutenu jusque-là de diverses manières.
Comme on le voit donc, le passé communiste de l’un et le présent socialiste de l’autre restent idéologiquement et étroitement liés, le socialisme étant né du communisme et demeurant sa version moderne, réaliste et pragmatique. Les chances qu’une telle alliance voit le jour sont donc considérables, pourvu que la volonté politique existe de part et d’autre et que des considérations et influences exogènes n’entrent pas dans le jeu. Le lien historique pourrait ainsi être réactivé pour reconquérir le pouvoir d’état que tous les deux partis ont perdu dans des conditions plus ou moins similaires par la faute du même Alassane Ouattara.
Le nationalisme est une idéologie qui s’apparente au souverainisme et prône la suprématie de la nation dans la vie sociale de l’homme. Les partis nationalistes considèrent comme valeurs fondamentales le bien-être de la nation, la préservation de son identité, son prestige, son indépendance et ses droits. C’est une idéologie qui rime avec le patriotisme et tout parti ayant des idées nationalistes est toujours prêt à faire passer au second plan ses valeurs idéologiques pour privilégier l’intérêt général de la nation. Ainsi, la Chine, bien que communiste, s’est ouverte au monde capitaliste et libéral dans l’intérêt de tous les chinois. Les USA et la Russie ne défendent pas les mêmes valeurs idéologiques et sont d’ailleurs toujours en compétition permanente pour que leurs idées dominent le monde. Mais ces deux grands pays collaborent parfois dans la lutte contre le terrorisme islamiste, tout cela dans l’intérêt vital de leurs peuples respectifs. En France, quand pointe à l’horizon la menace du FN, tous les partis, toutes idéologies confondues, soutiennent celui qui doit affronter le candidat de ce parti au second tour comme on l’a vu le 17 mai 1995 à l’élection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Lepen et le 14 mai 2017 avec celle d’Emmanuel Macron face à Marine Lepen, tout cela parce que les français considèrent que le FN avec ses thèses populistes anti-européistes et xénophobes est un danger pour la France en Europe et dans le monde. Le FPI et le PDCI, en dépit de leurs divergences idéologiques, pourraient et devraient s’allier parce que le leader du RDR est un danger pour notre pays et notre continent.
Le raz-de-marée électoral qui a propulsé Macron à l’Élysée n’est d’ailleurs pas exclusivement venu de la Droite, ni de la Gauche, encore moins du Centre. Il est venu de partout et a fait naître un nouveau concept idéologique, le social-libéralisme qui est la symbiose entre le socialisme et le libéralisme. En Allemagne, la CDU libérale d’Angela Merkel et le SPD socialiste de Martin Schulz viennent de signer un accord pour former une autre grande coalition afin d’éviter un blocage institutionnel qui sèmerait l’incertitude économique dans ce pays comme partout en Europe et renforcerait les thèses populistes. Avoir en commun les idées nationalistes ne peut donc être un handicap pour le FPI et le PDCI mais plutôt un atout qui fait même de cette alliance une nécessité, un devoir et non une simple option. Le nationalisme n’est exécrable et répugnant que quand il se transforme en populisme et se trompe souvent de cibles.
A SUIVRE ………
Océane Yacé, politologue, Monte-Carlo, Monaco