Lors de la récente interview qu’il a accordé à la chaine télévisée “France 24”, le Président OUATTARA, dans un trait d’esprit exprimé en des termes très sibyllins , a réitéré son intention maintes fois affirmée, de ne pas vouloir solliciter un troisième mandat………..sauf circonstances exceptionnelles et imprévues ( “en politique” tout comme partout ailleurs du reste, “on ne dit jamais non”), ceci bien que “la Constitution de son pays l’y autorise”.
Cette séquence marque, à l’évidence, un double recul, par rapport à sa position antérieure – la réversibilité de son intention rentre désormais dans le champ du possible – et la lecture qu’il fait de la nouvelle Constitution – fondement légal à une telle possibilité, porte une lourde tension polémique.
Cette évolution sémantique du discours, s’analyse dans ses relations contextuelles (hypothèque du schéma successoral au sein du RHDP) historiques ( habitudes des coups d’état constitutionnels et reproduction des tentations de conservation du pouvoir) et connexes avec à la fois, des notions de rupture et de continuité, comme une stratégie du “ni-ni”, qui opposent subtilement d’une part, acteurs ( entrepreneurs politiques) et structures (ordre constitutionnel), et d’autre part, la subjectivité du Président de la République à l’objectivité des textes sur lesquels il s’appuie pour énoncer son système de pensée.
Celui-ci est rationnel ( pensé avec une raison suffisante) et cohérent (conformité à ses engagements antérieurs), à tel enseigne, qu’il invite à reconstruire tout son système de pensée, pour l’expliquer en son entier, tant il intègre des notions conceptuelles et des variables politiques pour en comprendre le cheminement ( impact du changement des perspectives électorales de 2020 sur le discours, apparition de nouveaux rapports de force dans la classe politique, confiscation de la parole publique sur le sujet, insertion du discours dans un ensemble d’actions et de manœuvres devenues perceptibles). Dès lors, le discours politique du Président de la République est loin d’être anodin et innocent. La nouvelle configuration du RDR, à l’heure du Parti unifié du RHDP, corrélativement à l’attitude du PDCI-laissent perplexes, et attestent d’une stratégie de fonds, dans un champ structuré par des enjeux de pouvoir, des contraintes d’alliance objective, des règles de droit, et un environnement favorable (culture politique et poids des habitudes) , bien que mutant ( jeunesse, nouvelle génération, nouveaux modèles africains de démocratie et code international non écrit sur la bonne gouvernance).
Conclusion : Comment le Président OUATTARA entend-t-il gérer et tirer profit de son capital (bilan d’action, sympathie, histoire, confiance, alliance) ? A-t-il délibérément choisi sa stratégie pour y parvenir, ou au contraire, celle-ci lui a-t-elle été imposée par les circonstances ? Quelle relation veut-il tisser avec l’histoire et le futur ordre socio-politique qui va se mettre en place dans les prochaines années ?
La question n’est pas ici, une question de droit, dont tout le monde connait objectivement la réponse, mais une question fondamentalement politique. En choisissant de brouiller la lecture de l’élection de 2020, il prive la Côte d’Ivoire du bénéfice d’une lisibilité à long terme pour ses investissements, et il donne des raisons de douter de la sérénité du climat politique à l’horizon 2020/2025. Néanmoins, il existe suffisamment de raisons de penser que sa passion et son ambition pour son pays, le pousseront davantage à chercher à imposer un profil consensuel, en qui il peut avoir confiance pour poursuivre son action et relever les défis de l’avenir. Une autorité à la probité incontestable et à la compétence unanimement reconnue, très certainement issue des rangs du PDCI-RDA. Ce n’est qu’à défaut d’y parvenir, qu’il pourrait faire peser le poids de sa personne dans la balance de ce “meilleur choix”. En conséquence aussi, il faut considérer cette stratégie, liée à une exigence qualitative, comme un plan B, clairement affirmé.
Pierre Soumarey