L’ex-président du Front populaire ivoirien, dans ses envolées cachotières nous disait ne pas avoir d’agenda caché. Pourtant, tous ses faits et gestes nous démontraient le contraire. Angéliques et lourds que nombre d’entre nous sont encore, ils y ont cru. Et nous voilà voir ce que nous voyons.
Aujourd’hui, on nous explique que des partenaires de la CNC ont fait acte de candidature pour ne pas rester « hors du jeu électoral ». Quand le FPI dit qu’il s’opposera par tous les moyens légaux à la tenue d’élection présidentielle dans les conditions actuelles, il est parfois la risée de certains de ses partenaires. Certains pour des règlements de compte ; d’autres parce qu’il(s) espère(nt) être élu(s) avec les voix des partisans du Front populaire ivoirien qui est en dehors de la course actuelle. Dans un cas comme dans l’autre, il faut que les leaders politiques sortent du schéma où ils cultivent leurs propres intérêts aux dépens de ceux du peuple. Bien souvent, on encense le peuple pour s’en servir. Cela est déplorable.
A moins de deux mois de l’élection présidentielle, les Ivoiriens ne doivent plus se fier à ceux qui font la fine bouche. Les Ivoiriens ont plutôt hâte de savoir ce que font les candidats déclarés, en complémentarité avec leurs alliés de la CNC en particulier le du FPI ?
De deux choses l’une :
Soit les candidats déclarés dont la plupart sont des ex-alliés de Ouattara, sont dans une logique de monter une duperie à l’endroit des Ivoiriens et alors ils n’oseront pas hausser le ton pour obtenir les conditions d’élection transparente et démocratique. Ils trament alors des artifices soporifiques pour mettre le peuple devant le fait accompli. Parce que tout le monde sait que ces candidats ne gagneront pas d’élection dans les conditions actuelles ;
Soit ils durcissent le ton pour chasser cet imposteur qui ne pourra jamais avoir la légitimité du peuple si les élections sont transparentes et démocratiques. C’est là où les Ivoiriens attendent un message clair de cette CNC qui a suscité tant l’espoir. Quelques petits arrangements et des calculs politiciens dans les états-majors des uns et des autres semblent prospérer aux dépends des signaux clairs que les Ivoiriens attendent.
Il y a comme une sorte de naïveté qui affecte encore des responsables politiques que certains croient avertis. L’épouse de Ouattara était en plein lobbying auprès du patronat français, ce jeudi 27 août 2015. Pendant ce temps, d’autres personnalités nous donnent le sentiment qu’ils ont le soutien de leurs amis français et qu’ils gagneraient des élections avec le contrôle de certains grands pays. C’est le lieu de noter qu’en 2008, le coup de fil d’Omar Bongo à Nicolas Sarkozy avait suffi pour que ce dernier change d’avis vis-à-vis de l’opposition tchadienne, qui avait quasiment gagné le départ d’Idris Déby Itno. Feu Bongo demandait à son interlocuteur si Sarkozy connaissait ceux qui voulaient prendre le pouvoir et d’ajouter « même si vous trouvez Déby mauvais, vous ne savez rien des autres … »
Depuis un certain temps, en plus de l’inéligibilité de Ouattara, plusieurs éléments plaident pour que la pression de la rue s’exprime : les présidents du Conseil constitutionnel qui sont changés sans qu’ils arrivent au terme de leur mandat de six ans ; la composition de la CEI (Commission électorale inféodée) qui n’a rien d’indépendant et de consensuel ; les frondes sociales qui ne demandent qu’à être capitalisées ; … Devant ce climat délétère, qu’attendent les leaders de la CNC ? Chacun tient des discours pour distraire un peuple qui attend des signaux clairs. N’est-ce pas là une façon sournoise de faire le jeu de Ouattara qui ne demande pas mieux.
Il y a quelque chose de fâcheux et de frustrant en politique où certaines questions doivent être tues par pudeur ou parce qu’elles représentent un tabou. Pourquoi avec ce que notre pays a connu les choses ne sont-elles pas « mises sur la table ? »
Chacun de nous est convaincu que seule la transition – qui ne se négocie pas –, pourra mettre sur pied les conditions d’élections transparentes et démocratiques. Il est également évident qu’un pouvoir aussi intéressé comme la dictature actuelle ne veut naturellement ni de négociation ni d’une transition. Monsieur Banny, qui est aujourd’hui le président de cette CNC devrait donc sortir d’une posture de « dos rond » pour amener tout le monde à faire un front ouvert contre Ouattara. Dans le cas contraire, l’attentisme et la langue de bois des acteurs de la CNC devraient nous édifier sur un manque réel de volonté de libérer ce pays du dictateur. On pourra alors totalement comprendre que ceux-là sont dans des accommodements où ils espèrent que des amis politiques pourraient les mettre à la place de Ouattara. Pour quelle marge de manœuvre de réduire la pauvreté ? Pour quelle marge de manœuvre d’améliorer les conditions de vie des Ivoiriens là où les prédateurs estiment qu’il faut contracter les dépenses publiques alors que l’école ; la santé ; l’autosuffisance alimentaire restent un défi colossal à surmonter.
De notre point de vue, seule la pression du peuple est une solution. « A vaincre sans périr, on triomphe sans gloire ». Le dictateur qui a été rattrapé par ses mensonges, a perdu beaucoup de ses partisans qui vivent une désillusion. Il nous semble qu’avec des marches successives, ne serait-ce que sur trois jours, « l’escaladeur professionnel » ne saura résister. Nous rêvons peut-être. Mais la conviction que ce peuple qui a tout donné, et qui a le droit de revendiquer à bien vivre, est là. Les responsables politiques de l’opposition ivoirienne doivent quitter des postures en accordant leurs violons dans le sens l’intérêt national.
Claude Koudou
Analyste politique
Réactions
Arsène Ouégui : La CNC était, par essence même, un marché de dupes, ces principaux acteurs y venant avec des intérêts contradictoires.
En effet, le bon sens aurait commandé à Banny et aux autres candidats membres de la coalition de s’allier avec Affi, puisqu’ils ont en commun le désir d’aller aux élections. Mais leur cupidité électorale les a poussé dans le bras du Fpi dont ils courtisent l’électorat.
Le Fpi, en pleine crise, a cru bon de s’allier à des gens qui, sur le papier, paraissaient disposés à porter leurs revendications. Mais à l’épreuve des faits récents, il ne paraît pas injustifié de penser que le parti du président Gbagbo est entrain de se faire flouer, n’en déplaise aux stratèges politiques autoproclamés. Alors, plutôt que de persister dans l’appel au boycott, cette posture de résignation, le parti qui a toujours porté le combat politique et démocratique en Côte d’Ivoire doit se ressaisir, reprendre les choses en mains et appeler sans tergiverser à une transition qui se justifie. S’il ne le fait pas, la suite des événements risque de lui être préjudiciable.