Si le président du Sporting Club de Gagnoa, Yssouf Diabaté, peut se consoler avec la 3è place, synonyme de qualification pour la Coupe de la Confédération, il pense que ses joueurs n’ont pas mouillé le maillot. Il estime également que Tanda ne fait pas un beau champion. Parce qu’ ‘’ il y a eu trop d’accompagnement.’’
Au terme de cette saison, quel est le sentiment qui prédomine chez vous ?
C’est un sentiment de joie parce qu’après les sacrifices que nous avons consentis, nous retrouvons une place africaine. Défendre les couleurs de la nation sur le continent est une joie pour moi.
On peut, tout de même, penser que le Sporting est passé à côté de quelque chose de grand car le titre semblait jouable cette année.
Oui, c’est exact parce qu’avec tout ce que nous avons fait comme investissements par rapport au recrutement, je pense que nous n’avons pas atteint notre objectif qui était de remporter le titre. Il y a quelque chose qui n’a pas marché. Parce que quand tu regardes l’effectif du Sporting cette année, il était de qualité comparé à celui de la saison dernière. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour recruter. Et lorsque tu fais les statistiques, l’année dernière a été plus satisfaisante parce que nous avons joué le titre avec le Séwé jusqu’à la dernière journée. Cette année nous avons mis les moyens, mais les résultats n’ont pas suivi. Certes, nous sommes Africains, mais nous régressons d’une place.
Qu’est-ce qui explique cette régression ?
Je ne suis pas technicien. Mais à mon avis, les enfants n’ont pas donné satisfaction. Parce que ceux qui ont été au top niveau la saison dernière comme Zégbé Moïse et Séri Dogo Serge étaient en dessous de leur niveau. Donc, pour moi, la déception vient des enfants qui n’ont pas vraiment mouillé le maillot.
La Coupe d’Afrique est d’un niveau supérieur. A quoi doit-on s’attendre du côté du Sporting ?
Nous allons nous asseoir avec le comité directeur pour voir ce qu’il y a à faire pour renforcer cette équipe. Mais je dois dire que nous allons rajeunir l’effectif en faisant confiance à de jeunes joueurs. Ils ne viendront pas forcément des centres de formation, mais ce sont des joueurs confirmés, jeunes, talentueux pour nous permettre d’aller à la conquête de l’Afrique.
Qu’en sera-t-il de l’encadrement technique ?
Je pense que nous allons discuter pour voir la conduite à tenir. Nous allons voir si Boudo Mory a le diplôme requis pour nous accompagner. S’il est apte pour nous accompagner, je pense qu’il n’y a pas de raison de changer puisque c’est lui qui nous qualifie pour la Coupe d’Afrique. Son bilan n’est pas négatif, puisqu’il termine troisième. Si son diplôme lui permet donc d’entraîner le Sporting en Coupe d’Afrique, il n’y a pas de raison que nous allions chercher ailleurs.
La Coupe d’Afrique brûle. Cela veut dire que vous devez avoir assez de moyens..
C’est cela qui nous fait peur maintenant. Parce que nous n’avons pratiquement pas de soutien. Ce que la Mairie donne est vraiment minime. Quant au Conseil régional, il n’existe pas pour le Sporting. C’est ce qui nous fait peur parce qu’il ne faut pas aller en Coupe d’Afrique pour être ridicule. Mais il faut aller se battre comme le Séwé l’a fait. Donc, si nous n’avons pas de moyens pour nous accompagner, je pense que nous allons prendre l’ascenseur rapidement.
Où le Sporting Club de Gagnoa jouera ses matches de Coupe d’Afrique ?
Nous avons la chance que le président de la République, Alassane Ouattara, arrive à Gagnoa très bientôt. Et lorsqu’il sera là, il est probable qu’il tienne son meeting au stade Victor Biaka Boda. Nous allons donc lui demander de nous mettre une pelouse synthétique. Et s’il le fait, nous allons demander à la Fédération ivoirienne de football (Fif) de nous autoriser à jouer nos matches à Gagnoa. Parce que c’est ici que nous avons le public.
Vous étiez en concurrence avec l’Asec et surtout l’As Tanda qui vient d’être sacrée championne de Côte d’Ivoire au terme de sa deuxième saison en Ligue 1. Quel est votre analyse ?
Nous sommes des profanes, mais nous savons apprécier. Pour moi, Tanda n’a aucun mérite. Le titre du Séwé était plus beau que celui de l’As Tanda. Il n’y a qu’à voir les deux derniers matches de la saison de l’As Tanda contre Bouaké et Korhogo pour se rendre compte qu’il s’est passé des choses. En tout cas, personnellement, si c’est comme ça qu’on devient champion, je pense qu’il n’y a aucun mérite. Pour moi, il y a eu trop d’accompagnement. Tanda a été championne de Côte d’Ivoire, pas avec la manière, mais avec beaucoup d’accompagnement. Je ne pense pas que mon équipe qui termine 3e ait bénéficié de trois penalties au cours de la saison tout comme l’Asec. Mais lorsque vous faites le bilan de la première partie de la saison à Bondoukou, chaque match a son penalty. Et puis, lors de la 24è journée à Katiola, on refuse un but valable à Bouaké FC. Je pense que cette décision des arbitres a été lourde de conséquence. C’est lui qui donne la victoire à Tanda et envoye Bouaké en deuxième division. Quand vous voyez également, les deux buts contre le CO Korhogo, je pense qu’il y a eu un coup de pouce. Nous allons voir l’année prochaine comment remédier à cela et tirer l’attention des responsables des arbitres pour que le champion soit un vrai champion comme le Séwé l’a été pendant trois ans.
Voulez-vous dire que l’arbitrage n’a pas été à la hauteur des équipes ?
Je pense qu’il y a des erreurs qui peuvent arriver, mais lorsqu’elles sont récurrentes et qu’elles vous sont préjudiciables comme c’est le cas de Bouaké FC qui va en deuxième division, c’est déplorable. On peut même démissionner. Parce que se retrouver en deuxième division sur une erreur d’arbitrage comme cela, ça fait mal. On vous sent vraiment très amer sur la question… Effectivement, parce que cela peut arriver au Sporting Club de Gagnoa. Et si j’étais à la place du président de Bouaké FC, je quittais le football. Parce que je ne peux pas admettre cela. C’est vrai qu’on peut me battre comme l’Asec l’a fait le dimanche 16 août 2015, mais lorsqu’on refuse un but comme pour Bouaké FC qui pouvait changer le cours des événements, je trouve cela regrettable. Et nous n’avons aucune suite de cet arbitrage scandaleux. Nous ne savons même pas si des sanctions ont été prises et quelles sont ces sanctions. Nous faisons des sacrifices énormes en une fraction de seconde et tout s’écroule par la faute d’un individu.
Parlant de sacrifice, combien peut-on dépenser pour entretenir une équipe comme le Sporting Club de Gagnoa ?
Ce n’est pas moins de 100 millions de F. Cfa que nous dépensons par an. Parce que cette année, ma masse salariale tourne autour de huit millions de F. Cfa par mois. En 10 mois cela fait 80 millions sans les déplacements, les primes de matches, les soins, les mises au vert…Alors que nous ne recevons que la subvention de la Fif qui est de 50 millions de F. Cfa. Nous n’avons pas de subvention de la Mairie ni du Conseil Régionale.
Que pouvez-vous faire comme proposition pour améliorer les compétitions locales ?
Je pense que c’est l’Etat qui doit essayer de mettre plus de moyens à la disposition des clubs pour que nous puissions maintenir les enfants sur place. Parce qu’à l’allure où vont les choses, s’il n’y a pas de moyens et qu’un club gabonais, malien ou guinéen vient proposer des salaires de 200, 300 ou 400 mille F. Cfa, les joueurs vont partir. Parce que nous ne pouvons pas leur offrir cela. Certes, nous essayons de le faire, mais tous les clubs n’ont pas les moyens de le faire. Il faut donc que le gouvernement nous aide. Nous allons approcher le ministre Amichia François pour qu’on puisse nous aider.
Entretien réalisé à Gagnoa par Guillaume AHOUTOU
Source : SoirInfo 6257 du mardi 18 Août 2015