Des officiers, des ex-dirigeants et des barons de la filière café-cacao cités
Bernard Kieffer, le frère aîné de Guy André Kieffer, le journaliste français disparu sur les bords de la lagune Ebrié depuis avril 2011, est Abidjan. Auteur d’un livre ”Le frère perdu”, enquête sur un crime d’État au cœur de la Françafrique”, retraçant toutes les péripéties des enquêtes toujours en cours pour retrouver son cadet, il a fait de graves révélations hier, au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à Abidjan Plateau. Ci-dessous, l’essentiel de ses échanges avec les journalistes.
«…J’ai précisé au début du livre que j’exprime un avis personnel. Et mon avis, c’est que mon frère a été assassiné. J’exprime la conviction que j’ai pu forger à travers l’enquête(…). Je vais rencontrer le ministère de la Justice, et notamment le conseiller du président de la République, chargé des droits de l’Homme, Me Mamadou Diané, que je verrai demain (aujourd’hui), ndlr. J’ai également un contact prévu avec l’Ambassade de France, qui nous accompagne depuis le début, dans le suivi de cette affaire. Peut- être que ce sera aussi l’occasion de recueillir des informations utiles à l’enquête. Parce que chaque fois que je suis venu, des informateurs se sont manifestés spontanément auprès de moi et m’ont donné des informations qui, parfois, étaient très intéressantes. Ce qui est une façon de faire avancer l’enquête. Lorsque ces informations me parviennent, je les communique à la justice française, parce que c’est avec elle que je suis en contact couramment. Et les enquêteurs vérifient ce qu’il en est. Peut-être que cette fois encore, j’aurai l’occasion de récolter quelques informations intéressantes qui me permettront de retrouver, de savoir ce qu’est devenu mon frère. L’essentiel du film qui est connu, c’est qu’on connaît pratiquement toutes les étapes du scénario sauf l’épilogue. Qu’est-il devenu? Ça, on ne le sait pas. Où se trouve-t-il, ça on ne le sait pas non plus ».Qu’allez-vous dire aux autorités que vous allez rencontrer?
Je dis qu’on a été très proche de la vérité parce que le juge d’instruction français, Patrick Ramael – qui n’est plus en charge du dossier, il a été muté et remplacé par un autre juge – a fait un travail considérable avec les enquêteurs de la police, de la gendarmerie française et aussi avec l’aide de son homologue ivoirien. Son raisonnement était de partir de la base pour remonter à la tête. C’est-à-dire qu’il a commencé par s’intéresser aux exécutants. C’était plus facile. Et sur la base des aveux qu’avait fait M. Michel Légré à l’époque, dès le mois de mai 2004, je crois, il a pu creuser la piste des exécutants. C’est ainsi qu’on a pu identifier les membres du commando qui ont enlevé mon frère. On a parlé, à l’époque, de Jean Tony Oulaï, Patrice Bailly, Séka Séka. On a parle de tous les hommes qui gravitaient autour de ces trois noms. Et ça faisait beaucoup de monde, une quarantaine d’individus. En s’intéressant à ces gens-là, petit à petit, le juge va remonter dans l’échelle des commanditaires. Ainsi, il est arrivé assez vite dans les couloirs de la Présidence ivoirienne. Des pistes qui s’intéressaient à des proches de la Présidence ivoirienne dont Bohoun Bouabré, Zohoré Aubert, Kadet Bertin, Simone Gbagbo. On a parlé des responsables de la filière café- cacao dont Tapé Do et d’autres, d’un certain nombre de hauts dignitaires qui, semble-t-il avaient de bonnes raisons de faire taire mon frère où de bonnes raisons de le menacer. Directement ou indirectement. De proche en proche, on a eu beaucoup d’informations sur l’exécution de l’enlèvement. Mon frère aurait été détenu pendant deux jours à la Présidence, dans une cellule située au sous-sol, que le juge a pu retrouver après la chute du régime Gbagbo. Quant il a pu pénétrer dans les locaux de la Présidence, la cellule était bien là où les témoins l’avaient située. Mon frère aurait séjourné dans cette cellule pendant deux jours, du 16 au 18 avril 2004. Après, le scénario devient un peu plus imprécis, parce que les témoignages divergent sur ce qu’il serait devenu après avoir été extrait de cette cellule de la Présidence. D’aucuns disent qu’il aurait été exécuté dans la ferme aux volailles qui se trouve au PK 17, qui appartenait à Jean Tony Oulaï. D’autres disent qu’il serait mort par accident cardiaque, parce qu’il était malade du cœur. Il y en a qui disent qu’il aurait été exécuté dans différentes endroits comme le camp d’Azaguié et que son corps aurait été enterré une première fois, ensuite déterré, puis enterré à nouveau ailleurs. Il y a 36 versions, je ne sais pas quelle est la bonne. Quand je vous dis tout cela, je pense que le scénario est très précis, saut l’épilogue. Ce qui a manqué tout au long de ces années, de mon point de vue, c’est une volonté politique forte pour accompagner le travail de la justice française et ivoirienne. Cette volonté politique, elle a fait défaut aussi bien en France qu’en Côte d’Ivoire.
Pourquoi, selon vous, la volonté politique a manqué?
Cette affaire était un cailloux dans la chaussure des diplomates. Elle gênait tout le monde. Elle a gêné au moment où la France soutenait le régime Gbagbo pour la sortie de crise dans les années qui ont suivi l’enlèvement de mon frère. On l’a bien senti, nous, depuis Paris, que les autorités françaises n’avaient pas très envie d’embêter Gbagbo avec cette affaire qui compliquait les affaires franco-ivoiriennes. Donc il n’y a pas eu d’accompagnement politique fort du côté français. A un moment même, l’Elysée en France, a retiré au juge Ramaël le concours des policiers français en leur interdisant de continuer à travailler sur ce dossier. Ce n’était pas forcement lié aux relations franco-ivoiriennes, c’est un règlement de compte entre l’Elysée et le juge Ramaël. Notre affaire en a pâti puisque les moyens ont été retirés au juge qui, ensuite, s’est retourné vers la gendarmerie française qui a pris le relais de très belle façon d’ailleurs. Je me suis adressé, à maintes reprises, à l’Elysée quand il y a eu des remises de dettes à plusieurs reprises à la Côte d’Ivoire. Et à chaque fois, j’ai écrit à l’Elysée en disant : ”vous venez d’accorder une remise de dette à la Côte d’Ivoire, profitez-en pour demander en contrepartie une avancée significative dans l’affaire Guy André Kieffer”. Je n’ai jamais eu de réponse. Même encore aujourd’hui, Mme Taubira (ministre de la Justice française) est revenue de Côte d’Ivoire en disant que l’affaire avançait bien. Moi, je lui ai dit : ”elle n’avance pas, lisez mon livre, vous verrez qu’elle n’avance pas”. L’affaire s’est enlisée depuis un moment. Ici en Côte d’Ivoire, c’est un peu différent. On comprend très bien que le président Gbagbo n’ait pas souhaité faciliter l’enquête puisque c’est son entourage qui était mise en cause. Et depuis le changement de régime, depuis l’arrivée de M. Ouattara à la Présidence, je pense qu’il y a deux facteurs qui contribuent à maintenir cet enlisement. Il y a le processus de réconciliation nationale, je pense, qui fait peut-être qu’on n’a pas très envie de ressortir les vieilles affaires ni d’un côté, ni de l’autre, et qu’on est plutôt tenté de jeter un voile pudique sur ce passé douloureux. L’autre paramètre, à mon avis, c’est le réchauffement des relations franco-ivoirienne qui fait que la France, sur le plan diplomatique, n’a pas envie d’embêter la Côte d’Ivoire avec cette affaire. Si bien que de part et d’autres, on est tenté plutôt de passer à autre chose.
Craignez-vous une prescription de cette affaire ?
En tout cas, côté français, je ne connais pas les règles de prescription ici en Côte d’Ivoire, mais en France, pour une affaire criminelle, lorsqu’il y a enlèvement, il n’y a pas de prescription. Tant qu’on n’a pas trouvé le corps, on est toujours dans une logique d’enlèvement, séquestration. D’ailleurs en France, on ne dit pas inculpation, mais plutôt mise en examen. Et il y a un certain nombre de mises en examen qui ont été faites par le juge Ramaël pour enlèvement et séquestration. Or ça, c’est un crime continu. En plus, chaque fois que nous, les parties civiles, nous saisissons le juge d’instruction français d’une demande d’enquête, d’acte, ça interrompt le délai de prescription. Or là, le dernier acte qui nous a mis en rapport avec le juge d’instruction date de mois de septembre 2014. Donc, le délai de prescription, il partira au minimum de septembre 2014. Je crois que c’est dix ans pour les crimes. Par contre, ici en Côte d’Ivoire, c’est différent. Le juge d’instruction a inculpé Jean Tony Oulaï, Michel Légré pour enlèvement, séquestration et assassinat. Dès qu’il y a assassinat, il y a un point de départ à la prescription. Personnellement, même si j’ai aucun doute sur le fait qu’il y a assassinat, il n’y a aucun élément probant pour dire qu’il y a assassinat, vu qu’on n’a pas le corps. D’ailleurs, Mme Gbagbo le disait avec désinvolture dans son livre ”Parole d’honneur”. Elle évoquait l’affaire Kieffer en disant :”vous me parlez de crime, d’assassinat, mais où est le corps?” Nous sommes dans un crime sans corps, dans une affaire à la Maigret, dans laquelle il n’y a aucune preuve de l’assassinat de mon frère, disaitelle. En même temps, ce qui est paradoxal, elle utilisait le terme ”Kiefferiser”, un néologisme pour signifier ”faire disparaître définitivement quelqu’un”. Elle crée ce nouveau verbe sur la base du nom Kieffer.
Ce livre est-il l’expression d’un désespoir?
Pas du tout. C’est la relation de dix ans d’enquêtes faites par les justices française et ivoirienne avec tous ces rebondissements. C’est également le récit de la démarche personnelle et familiale. Toute la famille est impliquée. Je suis ici avec mon épouse. En France, on a fait énormément d’actions de mobilisation en tout genre. Cela veut dire qu’on n’est pas dans le désespoir, on est dans l’action. C’est vrai qu’après onze ans d’action, on sort un peu en manque de moyens. On sent bien que tout seul, on aura du mal à y arriver. Ce n’est pas l’expression d’un désespoir, c’est plutôt l’expression de la difficulté d’aller au bout, d’aller à l’épilogue. Il ne manque pas grand-chose pour y arriver finalement. Il y a des gens ici qui savent ce qui s’est passé, ce qu’est devenu mon frère. Le juge Ramaël avait une expression qui m’a beaucoup marqué. Il disait : ”il y a trop de monde impliqué dans cette affaire pour qu’on ne sache pas un jour la vérité”. Quand il disait cela, il pensait par exemple à la quarantaine de membres des commandos qui aurait enlevé mon frère pour l’amener à la Présidence ou qui serait occupé de se débarrasser du corps. Il m’a toujours dit: ” dans ces quarante-là, un jour ou l’autre, il y en a un qui va parler”. Donc, on est toujours dans cet espoir-là. Mais la condition pour que les gens parlent, c’est qu’on leur pose la question. Or il y a des gens à qui on ne pose pas la question. Je pense aux différentes protagonistes de cette affaire, qui sont actuellement ici à Abidjan où en Côte d’Ivoire. Soit en liberté, soit dé- tenus par la justice ivoirienne. Il y a Simone Gbagbo, Séka Séka, Patrice Bailly, Michel Légré qui, lui, est en liberté. Il y a aussi Jean Tony Oulaï qui, lui aussi je crois, est en liberté. Il a fui la justice française parce qu’il était sous contrôle judiciaire à Paris. Il a réussi à s’échapper et à rentrer en Côte d’Ivoire. Je ne sais pas comment, parce qu’il n’aurait jamais dû pouvoir prendre l’avion pour rentrer en Côte d’Ivoire. Ça, c’est un mystère de plus. Tous ces gens que je viens de citer et d’autres comme Kadet Bertin, Laurent Gbagbo peut-être, ils ont tous des éléments de la vérité. Peut-être même toute la vérité. Il faut au moins qu’on leur pose la question. Si j’ai un appel à lancer aujourd’hui à la justice ivoirienne, c’est le ”s’il vous plaît, interrogez ces gens-là”. Je voudrais qu’on requestionne ces gens dans de bonnes conditions sur l’affaire Kieffer. Michel Légré, par exemple, il a été inculpé par un juge d’instruction. Avec une inculpation pareille je suis surpris qu’il puisse aller et venir et que personne ne se préoccupe de le questionner. Il faut les questionner parce que lorsque le juge Ramael a interrogé ces gens, à l’époque du régime de Laurent Gbagbo, il l’a fait parfois de façon rocambolesque. Par exemple, quand il a auditionné Simone Gbagbo et Bohoun Bouabré, c’était dans des conditions qui n’avaient rien à voir avec l’audition de témoin. C’était complètement contraire à toutes les règles de procédure. Il n’a pas pu mener l’interrogatoire en bonne et due forme. Elles ont été perverties par les avocats de Simone et de Bouabré. Des avocats français qui ont tout fait pour pourrir l’audition. Il y a des pistes qui permettraient d’avancer, mais encore faut-il que quelqu’un s’y intéresse.
Selon vous, qu’est-ce que la filière café-cacao aurait pu reprocher à votre frère?
Je crois qu’elle avait des reproches assez virulents à lui faire. Je peux prendre Baudelaire à témoin, il a assisté à des agressions verbales lors d’une conférence presse. Il y avait Tapé Do qui s’en est pris de façon virulente à mon frère. Je sais que dans d’autres circonstances, d’autres représentants de la filière ont dit: ”Kieffer, on va s’en débarrasser parce qu’il embête tout le monde”. Je pense que le reproche fondamental qu’on devait lui faire, c’est que par ses enquêtes, il expliquait comment s’organisait le pillage de l’argent du cacao. Et finalement la réforme de la filière pour laquelle il était venu en Côte d’Ivoire. Au début, il n’était pas venu pour le journalisme. Il était venu comme expert des matières premières, chargé de travailler à la réorganisation de la filière. C’était le mandat qui était confié à la société CCC à l’époque, pilotée par Stéphane D. Il était venu pour travailler à la réorganisation des circuits financiers, de sorte que l’argent du cacao retourne aux producteurs du cacao. Je précise que la mission de la société CCC s’est interrompue très vite, au bout de quelques mois. Des membres de la société ont été priés de rentrer en France de manière très pressante. Il s’est aperçu qu’il n’y avait pas de volonté véritable de réorganiser la filière. Un certain nombre de hauts dignitaires du régime se satisfaisaient d’un système opaque dans lequel ils pouvaient détourner beaucoup d’argent. Je crois que le reproche fondamental, c’est celui-là. Il a expliqué cela à longueur d’articles dans ses nombreuses enquêtes qu’il a fait paraître dans toutes sortes de journaux. Il ne signait pas tous ses articles de son vrai nom. C’était des articles anonymes ou des articles porteurs d’un nom d’emprunt. Il prenait des pseudonyme parfois très explicites. Par exemple, il signait des articles Georges Alain Ko. GAK, Guy André Kieffer. On trouvait rapidement sa piste. Sa mission d’audit interrompue, il reprend sa casquette de journaliste au lieu de rentrer en France. Il continue donc à travailler sur la filière avec un regard de journaliste, d’enquêteur, d’auditeur. Et là, il a continué à déplaire aux responsables de la filière. De plus en plus. A tous ceux à qui profitait le pillage de la filière. Au bout du compte, il gênait parce qu’il entravait toutes ces malversations en les rendant publique.
De quoi allez-vous parler avec Me Diané?
J’ai demandé à pouvoir le rencontrer, lui et le ministre de la Justice, qui malheureusement est en congés, mais je verrai avec ses collaborateurs. J’ai demandé à rencontrer M. Diané parce que cette affaire pose la question des droits d’expression, des droits de l’Homme et de la liberté de la presse. Tout cela me semble relever de la compétence du conseiller aux droits de l’Homme. Ce que je souhaite, c’est de pouvoir échanger avec lui sur l’avancement de cette affaire, sur les pistes que j’ai évoquées tantôt. Ce qu’on peut faire pour que cette affaire connaisse son épilogue. Puisqu’on n’est pas loin du but. Je me dis que, peut-être, Maître Mamadou Diané pourra m’aider à avoir accès à la dernière ligne droite. Et en tant que conseiller à la Présidence, à avoir l’accompagnement politique qui nous manque. Pourquoi je demande à rencontrer Maître Mamadou Diané et les collaborateurs du ministre de la Justice, c’est à la demande du président Ouattara. Au départ, je me suis adressé au président à la Présidence. Étant en Italie, ses services m’ont orienté vers M. Diané et le ministre de la Justice. L’une des raisons de ma venue en Côte d’Ivoire, c’est de pouvoir rencontrer des représentants du pouvoir ivoirien pour qu’on en termine avec cette affaire. Si on comprend bien ce dossier, on a fait 95%, il ne reste que 5%. Je demande donc à la justice ivoirienne et au peuple ivoirien, de nous aider à clore définitivement ce dossier. Comme elle a su le faire pour l’affaire Jean Helène. C’est la raison principale pour laquelle on est là aujourd’hui. Ça ferait l’honneur de la justice ivoirienne et de la Côte d’Ivoire.
Et que devient le juge Ramaël et la justice française dans l’affaire?
Le juge Ramael est parti en septembre 2013. en France, il y a une règle en vertu de la laquelle un juge spécialisé comme l’est un juge d’instruction, au bout de dix ans, est obligé de quitter son poste. C’est une règle statutaire qu’on ne peut pas contourner. Donc, dans notre affaire comme dans d’autres, il arrive que le juge qui connait le dossier soit obligé de partir. C’est ce qui s’est passé pour le juge Ramael. Maintenant, il exerce des fonctions différentes dans une Cour d’appel à Aix-en-Provence. Il n’est plus du tout en charge du dossier. Son successeur s’appelle Cyril Paco, juge d’instruction à Paris. Il est en fonction depuis septembre 2013. Personnellement, je n’ai pas eu de contact avec lui. Simplement, il a demandé aux avocats des parties civiles (la famille, Reporters sans frontières, le syndicat national des journalistes…) en septembre 2014 de lui proposer des actes d’instruction. Depuis je ne sais pas ce qu’il a fait. Je ne sais pas s’il est venu ici. A ma connaissance, je ne sais pas si la justice ivoirienne sait qu’il a pris le relais pour relancer ses auditions. Je ne dirai pas que l’affaire est enlisée en France mais on attend qu’elle avance. Il faudrait que ça se concrétise par des actes judiciaires. Il y a l’affaire ”Youssouf Fofana” qui avait été réglé avec une célérité remarquable. Et le président Gbagbo, d’ailleurs, s’en était félicité. Tout le monde s’était félicité en France de cet aboutissement rapide. En son temps, j’avais répondu dans un communiqué de presse, pour dire que tout le monde se félicite de l’arrestation et de l’extradition de M. Fofana, mais avaient de décerner un brevet de bonne volonté au président Laurent Gbagbo, je vous rappelle qu’il y a d’autres affaires qui, elles, sont enlisées, dont la nôtre. Ce qui nous gène, c’est cette différence de traitement de certaines affaires. L’affaire Kieffzer semble poser des problèmes diplomatiques compliqués.
Avez-vous vraiment la conviction qu’il s’agit d’un crime d’État?
C’est un crime d’État. D’ailleurs, la mention figure sur le livre. Je parle de crime d’État au coeur de la Françafrique. C’est quoi un crime d’État? C’est un crime qui est commandité, exécuté, couvert par des autorités d’un Etat. C’est cela. Or, dans cette affaire, je cris que toutes les caractéristiques d’un crime d’État sont réunies. Je ne dis pas que le président Gbagbo soit impliqué dans l’enlèvement de mon frère. Je n’ai aucun élément pour le dire. Mais, c’est un crime qui met en cause son entourage immédiat. Et je pense que lui, a couvert les faits de son entourage. On m’a rapporté, à plusieurs reprises, que Laurent Gbagbo a évité à mon frère d’être expulsé au moins trois fois. Je ne vois pas très bien pourquoi avoir évité son expulsion et il l’aurait enlevé et exécuté. Je ne trouve pas cela très cohérent, si cela est vrai. Quand on met en scène Bouabré, Kadet Bertin, Nembélassini et d’autres, on est dans les cercles qui constituent la tête de l’État.
Propos retranscrits par A. CAMARA
Source : L’Inter N°5148 du Jeudi 13 Août 2015