Le coup qu’il prépare
« Idéologie, conscience et combat politique ». C’est le titre du deuxième livre de Koné Katinan Justin qui sort en septembre 2015 chez l’Harmattan en France. Cet essai vient après « Côte d’Ivoire/L’audace de la rupture » paru en 2013 dans la même maison d’édition. Avant la sortie de ce nouveau livre du Porte-parole de Laurent Gbagbo, Soir Info vous propose l’avant-propos. En exclusivité.
« Chaque combat politique repose avant tout sur la promotion d’une certaine conception de la société humaine. De ce point de vue, la lutte politique est indéniablement un phénomène social. Chaque acteur politique est sous l’influence de sa société. Étant né après les indépendances, je pourrais dire, comme les Sud-Africains nés après 1994, «I’m born free », c’est-à-dire, « je suis né libre ». Malheureusement, chemin faisant dans la vie, je me rends compte que ma situation d’homme libre n’est pas meilleure que celle de mes parents nés pendant la période coloniale, et de mes aïeuls nés pendant la période d’esclavage. Cette prise de conscience de mon état de liberté conditionnelle sinon surveillée, me révolte. Je suis donc un homme révolté et je l’assume. Je suis révolté contre l’oppresseur, mais également et surtout, contre l’opprimé que je suis. La crise militaro-politique qui a secoué mon pays dont les effets n’en finissent pas de mourir, amplifie en moi chaque jour cette révolte. L’inacceptable supplice que subit le peuple ivoirien à travers la déportation du président Laurent Gbagbo et l’assassinat ignoble de Mouammar Kadhafi, dans le silence complice de l’Afrique (sa mémoire n’a même pas eu droit à une minute de silence comme c’est de coutume, au siège de l’Union africaine de la part de ses pairs qui sont pourtant tous des morts en sursis), entretiennent à mon niveau, une forme de doutes sur l’objectif poursuivi par les luttes politiques en Afrique. La crise interne que traverse le Front populaire ivoirien, mon parti, et les thèses défaitistes entendues ici et là, sur l’orientation du combat politique que doit mener ce parti, dans les conditions particulières de son histoire, achèvent de me convaincre de la forte corruptibilité de l’élite politique africaine ; laquelle corruptibilité est le premier fer rouge qui marque de façon indélébile, le dos des populations africaines. L’opinion que je me fais de cette corruptibilité de l’élite politique africaine, m’amène invariablement à la conclusion que le chemin emprunté par notre continent à la recherche de son plein épanouissement n’est pas le bon. Il faut absolument se donner une nouvelle boussole. A cet effet, il y a deux ans, je proposais une rupture avec les chemins battus qui ne nous mènent finalement nulle part. Telle est la trame du premier livre Côte d’Ivoire. L’audace de la rupture, publié en juillet 2013, aux éditions L’Harmattan. Idéologie, conscience et combat politique, complète donc Côte d’Ivoire. L’Audace de la rupture, en ce sens que celui-là donne à celui-ci, une base idéologique.
Je suis africain et je défends l’africanisme, compris comme l’idéologie qui, tout en puisant son énergie dans les profondeurs de l’histoire douloureuse du continent noir, est appelée à rassembler tous les peuples dudit continent autour d’un idéal commun, celui de l’affirmation politique de notre liberté. L’analyse comparative que je fais entre l’histoire du peuple juif et celle du peuple noir d’Afrique, vise à mettre à la lumière du jour, l’adéquation qui existe entre l’idéologie sioniste et le succès du peuple juif, et l’adéquation qui existe entre le manque d’idéologie africaine et les échecs continus de notre continent. Si l’histoire du peuple « élu de Dieu » lui sert de source d’inspiration pour son organisation à travers le monde, l’histoire exponentiellement plus douloureuse du peuple africain semble avoir ancré en lui de façon définitive, un profond complexe. Ce complexe résume toute la vie politique et économique de notre continent. Incapable de se défaire de ses liens serviles, notre continent continue d’être à la traîne des autres, sans perspectives heureuses pour lui. La structure économique taillée sur mesure qui lui est imposée, et dans laquelle l’Afrique semble se complaire, témoigne à charge contre l’élite politique africaine dans sa politique de développement du continent.
Le moteur du développement de chaque pays est la valeur ajoutée que génère l’économie de ce pays. Il n’y a que cette valeur ajoutée, bien redistribuée, qui améliore l’indice du développement humain dans le pays. Or, le système économique et financier de l’Onu consacre la division internationale du travail entamée depuis l’esclavage, en ce qui concerne l’Afrique. Notre continent est ainsi confiné dans le rôle très peu rémunérateur de pourvoyeur de matières premières pour les autres pays, qui engrangent le maximum de la plus-value du commerce international. Les statistiques parlent d’elles-mêmes. La multinationale Firestone, spécialiste de la pneumatique et l’un des leaders dans ce domaine, exploite depuis 1926, une vaste plantation d’hévéa au Libéria. Mais jamais elle n’y a implanté la moindre usine de transformation, même partielle, du caoutchouc. La Côte d’Ivoire est première productrice du cacao en fèves. Aucun chocolat n’est produit totalement en Côte d’Ivoire. Il y a plus de 6000 industries dérivées du pétrole. Aucune n’est installée au Nigéria, en Angola, en Guinée équatoriale etc. Le transfert des capitaux de l’Afrique vers les pays occidentaux ou dans les paradis fiscaux se situent à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Voilà ce qui fait la puissance de l’Occident, qui émerveille et désarme tant l’élite politique africaine. Celle-ci donne dans la contemplation d’un modèle qui pourtant exploite ses populations.
Aucune lutte politique n’a de sens en Afrique si elle ne porte sur la remise en cause de l’ordre politique et économique inhumain mis en place par le système onusien. Je milite pour l’avènement d’une classe politique africaine audacieuse, généreuse dans l’effort, pour donner corps à l’espérance légitime de nos peuples. J’exècre toute référence à la fatalité ou à une quelconque préférence divine de tel peuple par rapport à tel autre. Une telle thèse est une fuite en avant abominable. Je crois à l’égalité des chances pour tous les peuples et j’entends me battre à mon humble niveau, pour ne pas que celle de notre continent ne nous échappe définitivement. Telle est la raison fondamentale de mon engagement politique dont quelques traits sont publiés dans le présent livre.
Cet engagement politique est fortement inspiré des combats du président Laurent Gbagbo. La situation d’injustice que vit aujourd’hui, ce « grand citoyen Africain », grande victime du néocolonialisme, détenu à La Haye, est la source de mes combats et de mes réflexions à sa suite pour trouver une voie de libération véritable et définitive du continent africain.
Qu’il me soit donc permis de renouveler ici mes remerciements à toutes celles et tous ceux qui, en Côte d’Ivoire, en Afrique et de par le monde n’ont de cesse depuis décembre 2011, de manifester de formidables élans de solidarité au président Laurent Gbagbo. Ce sont ces élans de solidarité qui ont permis de déjouer tous les plans conçus çà et là, pour étouffer les idéaux d’un homme qui porte haut, les aspirations légitimes de tout un peuple, et l’espérance d’un continent entier.
Mes remerciements vont aussi à tous mes compagnons d’infortune qui vivent en exil et qui, malgré la pré- carité de leur vécu quotidien, se donnent le temps de réfléchir sur l’avenir de notre pays, la Côte d’Ivoire, et sur l’Afrique. Infinie reconnaissance particulièrement au ministre Léon-Emmanuel Monnet qui m’a donné des informations utiles relatives à l’agression de la France contre l’Afrique, et au ministre Ahoua Don Melo pour avoir accepté de partager avec moi, dans le cadre d’un comité ad hoc sa vision du panafricanisme.
Enfin, toute ma gratitude au ministre Lazare Koffi Koffi avec qui je partage mes idées et qui, aux côtés d’autres aînés, me soutient énormément dans la mission que m’a confiée le président Laurent Gbagbo pour défendre partout sa cause. Merci cher aîné pour avoir accepté de préfacer cet ouvrage mais aussi de relire le manuscrit, de me faire part de nombreuses critiques et observations qui m’ont permis de préciser mes arguments théoriques.
A vous tous, recevez ici ma profonde, sincère et fraternelle gratitude.
Accra, le 11 juillet 2015 »
N.B : Les titres et le chapô sont de la Rédaction.
Source : Soirinfo 6236 du mardi 21 juillet 2015