Ses vérités sur l’attitude de Gbagbo dans la crise au Fpi
Ce qu’il gagne avec Ouattara
L e président légalement connu du Fpi, Pascal Affi N’guessan a achevé le week-end dernier, une tournée européenne qui l’a conduit, depuis le 15 juin dernier en Belgique et en France. Au terme de cette tournée marquée, le samedi dernier, à Paris, par une bagarre entre ses partisans et des militants ne le reconnaissant pas comme le président du parti fondé par Laurent Gbagbo, il a animé une conférence de presse dans la soirée du dimanche 28 juin. Ce, à l’initiative de l’Union des journalistes ivoiriens de France. Accompagné du ministre Augustin Comoé et de l’ex-Dg du port d’Abidjan, Marcel Gossio, il a saisi l’occasion pour dire tout de sa tournée, de son option politique et surtout de la crise au sein de son parti.
«PRÊT À CÉDER MON FAUTEUIL»
Evoquant longuement cette crise, due selon lui à sa volonté de privilégier le dialogue avec le pouvoir en place plutôt que la force prônée par ses frondeurs, Pascal Affi N’guessan a expliqué que ce n’est pas un drame que ses camarades ne soient pas d’accord avec lui. «Le Fpi est un front au sein duquel il y a toujours eu des débats. Donc, c’est normal que dans ce contexte particulier de l’histoire de notre pays, sur les voies à suivre et les hommes à conduire l’action du parti, que des gens ne soient pas d’accord avec moi», dira-t-il sur la question. Pour le natif du Moronou, c’est du droit de certains militants de vouloir le remplacer s’ils se rendent compte qu’il dévie dans la lutte. Seulement, insistera-t-il, il faut que cela soit décidé de façon démocratique et dans la légalité. «Si de façon démocratique, les militants du Fpi estiment que je ne suis plus l’homme de la situation et que j’amène le parti sur des voies tortueuses qui vont le conduire dans l’impasse, à son affaiblissement, et qu’il faudra me remplacer, moi je suis prêt à céder le fauteuil» a-t-il fait savoir. Précisant à contrario qu’il n’acceptera jamais de se soustraire sous la pression des intimidations et de la violence. «Je ne peux pas me démettre face à l’ignorance» a-t-il précisément dit. Et de conclure ici que ses adversaires au sein du parti instrumentalisent le nom du président Laurent Gbagbo pour faire triompher l’ignorance et l’incompétence face aux réalités politiques du moment.
LA POSITION DU PRÉSIDENT GBAGBO
Dans la gestion de cette crise, Pascal Affi N’guessan a son idée sur la position du président Laurent Gbagbo depuis sa prison de La Haye. Répondant à une préoccupation sur cette position, il a indiqué que bien que ne l’étant pas physiquement, il y a d’une manière ou d’une autre des contacts entre le président Laurent Gbagbo et lui. «Evidemment sur sa position, c’est le président Gbagbo lui-même qui pourra vous répondre avec précision. Moi, je ne peux qu’émettre des hypothèses. Et la première est que dans la situation actuelle, le président Gbagbo peut être gêné par la crise qui oppose des gens pour qui il a de la considération et de l’affection de part et d’autre. ‘’Est-ce-que je peux prendre position? Je vois que la lutte qu’ils mènent a une dimension d’ambition des uns et des autres’’ (…). Parce que beaucoup de ceux qui me reprochent le dialogue aujourd’hui étaient dans le dialogue avant ma sortie de prison. Ils ne faisaient pas en ce moment de la libération du président Gbagbo leur priorité. Comment subitement, ils s’accrochent à ça, et au nom de cela, combattent le président qui ne fait que ce que eux faisaient avant sa sortie de prison ? Le président Gbagbo peut lui aussi comprendre ça et dire que ‘’les gens cherchent à se positionner, mais de part et d’autre, ce sont mes partisans», croit Affi N’guessan qui indique que l’attitude de réserve actuellement observée chez le président Gbagbo est conforme à ce qu’il sait de lui. «Pour Gbagbo, c’est le meilleur qui gagne. C’est le meilleur qui doit l’emporter. C’est comme ça qu’il s’est battu. Il y a une adversité, cette adversité est aussi un test de la maturité des cadres qui ont travaillé durant des années avec le président Gbagbo. ”Est-ce-qu’il y a un cadre capable de prendre le dessus sur tous les autres et de conduire la grande famille du Fpi? C’est un test de maturité et je dirai aussi d’héritage. Le président Gbagbo peut nous laisser exercer chacun. Parce que, si par exemple il intervient précipitamment pour demander de mettre fin à ça et de suivre un tel ou tel, durant combien d’années pourra-t-il le faire? Si les cadres du Fpi ne sont pas capables de diriger le parti qu’il a créé, mieux vaut que le parti disparaisse parce qu’il ne sera pas la toute l’éternité pour régler les conflits entre les cadres. Donc, nous laisser nous battre pour qu’une ligne triomphe, c’est aussi nous mettre à l’épreuve, et cela est une démarche pédagogique». Affi N’guessan développe une autre hypothèse qu’il estime aussi valable. A savoir, que le président Gbagbo est d’accord avec les frondeurs, c’est pourquoi il les laisse agir. «C’est une hypothèse, mais est-ce que cela découlerait d’une bonne appréciation? Si telle hypothèse était réelle, dans tous les cas, nous sommes là et c’est à nous de prouver que notre ligne s’appuie sur des considérations objectives» at-il ajouté. Précisant que pour lui, cette position est la même pour l’épouse de l’ex-chef d’Etat, Simone Ehivet Gbagbo.
CE QU’IL GAGNE AVEC LE POUVOIR
Affi N’guessan a profité de sa rencontre avec la presse pour qualifier tous ceux qui l’accusent de manger à la table du pouvoir actuel, «de gros menteurs, des diffamateurs et dénigreurs». Ce qu’il gagne en réalité en allant à la table de discussion, dira-t-il, c’est l’accalmie. «Les partis politiques peuvent faire la politique, des meetings et des tournées à l’intérieur du pays. On a aussi gagné quelques libérations de prisonniers et le retour d’exil de nombreux cadres qui font même l’objet de poursuite judiciaire. On a gagné que les sanctions contre moi ait été levées et que j’ai désormais accès à mon compte. Et que donc, si j’ai un peu d’argent, je peux aider le parti. Je peux voyager et être ici à la recherche de soutien. Je peux déposer une demande pour voir le président Gbagbo à La Haye», a-t-il énuméré, non sans indiquer que bien que cela soit des avancées, ce qui reste a obtenir du pouvoir est 2 à 3 fois plus nombreux que ce qui est obtenu. «Le dialogue a l’avantage de neutraliser le parti au pouvoir de sa volonté de répression», a-t-il résumé ses acquis qui, insistera-t-il, n’ont rien de pécuniaire. Pour preuve, a-t-il étayé ses propos, ses résidences à Abidjan et au village demeurent dans leur état de destruction depuis la crise post-électorale. Aussi, révélera-t-il, qu’il a fallu de gros efforts de leur part pour organiser le récent congrès qui leur a laissé des ardoises. «Nous avons des dettes (…). Nous avons pris un siège que nous n’arrivons pas à rendre fonctionnel parce que nous avons des difficultés financières. (…) Vous pouvez vérifier auprès de notre banquier que nous avons un lourd dé- couvert» a-t-il dit, avant de conclure que le Fpi fonctionne aujourd’hui grâce à des amis qui les soutiennent. Entre autres bienfaiteurs, cette dame, propriétaire d’agence de voyage à Abidjan qui a accepté de leur prêter à hauteur d’un peu plus de 6 millions de Francs, les billets d’avions pour permettre cette tournée européenne. Se prononçant sur l’incident du samedi dernier, Affi N’guessan ne l’a pas qualifié de méchant. «Ce n’était pas une bagarre rangée. Il y a eu une demi-douzaine de femmes venue manifester contre moi avec de la farine. Mais, ce n’était pas méchant. C’est ça le piment de l’activité politique. En politique, il faut être fair-play et accepter les manifestations. A partir du moment où des gens n’ont pas pris des armes pour venir vous abattre, il faut relativiser les choses. Ça fait partie du jeu politique» a-t-il qualifié cet incident. Sur sa tournée proprement dite, il dira qu’elle fut plus que satisfaisante avec à la clé des rencontre à l’Élysée, au Quai d’Orsay et au siège de l’Union européenne à Bruxelles.
Une correspondance particulière de B. BONSIE à Paris
Source : L’Inter N°5115 du Mardi 30 Juin 2015