Eventnewstv.tv | Le premier ministre Affi N’guessan séjourne actuellement à Paris. Il était le samedi 20 juin dernier face à ses partisans à Montfermeil dans une banlieue périphérique de la capitale française. Il a en profité pour leur donner quelques explications sur la situation politique et la crise qui secoue le FPI… En voici quelques extraits…
« LES PROBLÈMES AU FPI ? UNE LUTTE DE LEADERSHIP…»
« S’agissant du front populaire ivoirien, puisque c’est lui qui a fait l’actualité ces derniers moments, surtout en France, à travers les dissensions que le parti connaît depuis quelques mois. J’ai indiqué que s’agissant de ces dissensions, la question fondamentale, l’idée principale qu’il faut retenir, c’est que les problèmes au sein du FPI sont le fait d’une lutte pour le contrôle du pouvoir. Une lutte de leadership. Une lutte pour la conquête de la direction du parti. Il faut d’abord retenir ça. Parce que quand on n’a pas retenu ça on n’a rien compris et on ne peut rien comprendre. Tout le reste, c’est comme dans une lutte. Les piques, les dénigrements et tout ce qu’il faut pour discréditer ou déstabiliser l’adversaire politique.
Pourquoi tout ça ? Il y a d’un côté ceux qui ont construit leur pensée, toute leur vision de la lutte au FPI autour de la présence de Laurent Gbagbo à la tête du parti comme symbole de la lutte. Et qui semblent désemparés face à la perspective que quelqu’un d’autre émerge et ils considèrent cela comme un drame. Parce que pour eux ça va en quelque sorte éclipser Laurent Gbagbo. Alors on dit : « il veut tourner la page de Gbagbo.»
(…) Il y a eu donc la grave crise de juillet 2014. Parce que quand je me suis rendu compte que je ne pouvais pas du tout diriger le FPI avec eux, j’ai décidé de renouveler le bureau du Secrétariat Général du parti. Et de faire rentrer tous ceux qui venaient d’exil. Qui eux avaient quand même une bonne approche et voulaient que les choses avancent. Parce qu’il y a eu des situations vraiment ridicules et qui ont fait que je suis arrivé à la conclusion qu’il fallait que je renouvelle le bureau.
BOYCOTT DU RGPH : « ON VOULAIT MONTRER NOTRE CAPACITÉ DE NUISANCE»
La situation ridicule c’est qu’on a discuté 3 trois mois avec le gouvernement, dans le cadre du dialogue politique. En février, je me suis rendu compte que ce gouvernement, il faut lui mettre du feu pour l’obliger à avancer. Donc quand ils ont décidé de faire le recensement général de la population, j’ai dit on va boycotter le RGPH. On va déclarer qu’on n’est plus dans le dialogue politique. Qu’on n’est plus dans le processus de réconciliation puisque c’est un processus stérile, il n’y a pas d’avancées. On a donc déclaré le boycott en mars. C’est moi-même qui aie pris la décision du boycott. Et on a fait une conférence de presse.
Et comme on le fait d’habitude, quand on prend une décision importante comme ça, on fait le tour des représentations diplomatiques pour expliquer et leur montrer pourquoi. Mais partout c’était une initiative qui était impopulaire. Quand on est arrivés à l’ambassade des Etats unis, l’ambassade était en transe. « Pourquoi on veut boycotter le recensement ? Pourquoi on veut quitter le dialogue politique…» Tranquillement, on leur a expliqué que nous on n’est pas contre le recensement. Mais ça fait plus de deux ans que les gens sont en prison pour des raisons politiques. On discute avec le gouvernement pour qu’on trouve des solutions et on est face à un mur. Aucune avancée. C’est pourquoi on boycotte. Pour leur montrer que nous avons une capacité de nuisance. Que s’ils ne veulent pas qu’on utilise cette capacité de nuisance, qu’ils libèrent les prisonniers. Et en faire en sorte qu’on progresse dans le dialogue politique pour qu’il y ait des retombées. Puisque tout le monde voit que ce dialogue-là n’est pas inutile.
CE N’EST PAS PARCE QUE GBAGBO A ÉTÉ PUISSANT…QUE NOUS AUTRES NE DEVONS PLUS EXISTER…
On ne tourne pas la page d’un homme politique. Un homme politique, ça page, c’est l’ensemble des actions des écrits, des idées qu’il a produits pendant le temps qu’il est (…). Est qu’aujourd’hui on a tourné la page de De Gaule en France ? Même aujourd’hui même Napoléon on n’a pas tourné sa page. Puisqu’on vient de fêter le bicentenaire de Waterloo. Waterloo qu’il a perdu. Mais pourtant c’est lui qu’on célèbre pratiquement à travers Waterloo. C’est-à-dire le perdant de la bataille. Donc on ne tourne pas la page d’un homme politique.
Mais ce n’est pas parce qu’un homme politique a construit des bases que les autres, ses compagnons sont condamnés à l’inexistence. A l’anonymat. Non ! C’est pas parce que Gbagbo a été un homme puissant et fort que nous qui avons été ses compagnons nous ne devons plus exister. Que nous n’avons plus à apporter quoi que ce soit à la Côte d’Ivoire. Et à l’histoire de la Côte d’Ivoire. Nous avons notre apport. Et cet apport peut commencer par ce que nous faisons aujourd’hui. (…)
(…) Mais il y a des gens qui sont même prêt à faire en sorte que ce soit Ouattara qui reste au pouvoir. Pour que dans le sérail de Gbagbo, dans le camp de Gbagbo personne ne sorte. Aucune autre figure ne puisse sortir. Parce que pour eux, une telle émergence comporte un risque pour le symbole que Gbagbo a représenté. Pour l’icône qu’il constitue. Alors quand les gens sont face à ça, est-ce que toi qui a passé 20 ans 30 ans à côté de Gbagbo, tu t’inclines et puis tu retournes au village ? Si tu vas t’asseoir, c’est bon tu donnes satisfaction à ces gens. Tu contribues à la réalisation d’un rêve. Leur rêve. Mais est-ce que tu rends service à la Côte d’Ivoire ? Et à la lutte que vous avez menée avec d’autres militants. Voilà le dilemme. Moi j’ai dit non je ne vais pas rentrer dans cette vision émotionnelle des choses. Surtout qu’elle est assise sur une pensée fausse.
DOUATY, AKOUN ET MIAKA VOULAIENT SE POSITIONNER…
Et puis à côté, il y a tous ceux aussi qui voulaient profiter de la crise pour se positionner. Qui sont restés dehors quand nous, nous étions en prison. Qui ont pris la direction du parti. Et qui considèrent que leur temps était arrivé. Et qui n’était pas du tout dans l’esprit de lâcher. Et qui disaient mêmes si les responsables attitrés du parti reviennent de prison on ne lâchera pas. Ceux-là, dès 2012 déjà, ils avaient pensé à l’organisation d’un congrès alors que nous étions en prison. Ils ont dit, il faut un congrès pour élire un nouveau président. Ce sont les militants qui ont dit non. « Le président du parti est en prison comment on peut faire un congrès électif ? » Les militants ont fait échouer ce plan.
Ces camarades voulaient tourner notre page y compris la page de Laurent Gbagbo. Or ce sont eux qui crient aujourd’hui « Gbagbo ou rien ». Ces gens-là vous les connaissez. Ce sont les Douaty, Akoun, Miaka Oureto…Ce sont ces dirigeants qui jouaient des coudes pour se positionner. Ces gens-là ne pensaient pas du tout que j’allais sortir de prison avant 2015. Pour eux, quand tu regardes la méchanceté que Ouattara développe, nous qui avons été arrêtés si on ne meurt pas en prison, nos carrières politiques sont finies. Donc c’était leur tour. Donc ils ont été surpris que le 06 août 2013, je sois mis en liberté. Je pense que pour eux ça été un drame. Deux ou trois jours après ma sortie de prison ils sont venus me voir pour me saluer et souhaité qu’on échange sur mon statut. Vu que je suis en liberté provisoire, est-ce que je peux faire la politique ? Et que eux, ils avaient décidé de faire une consultation juridique.
« QUAND ILS ONT VU QUE JE N’ETAIS PAS PRÊT A ME LAISSER FAIRE, ILS ONT BATTU EN RETRAITE …»
Je leur ai dit mais pourquoi vous vous fatiguez ? Consultation juridique c’est trop long. Et ça va vous coûter de l’argent. Allez y poser la question à Hamed Bakayoko. Puisque quand on fait une consultation juridique, c’est pour prendre des précautions par rapport à des risques et à des menaces. Puisque c’est Hamed Bakayoko qui attrape les gens pour les mettre en prison. Donc allez poser la question à Hamed Bakayoko.
S’il vous dit que je peux faire la politique, vous êtes situés, s’il vous que je ne peux pas faire la politique, tant mieux pour vous. Puisque c’est ce que vous cherchez. Vous pourrez faire ce que vous voulez. Mais de toutes les façons moi je vous préviens que je ne suis pas concerné par votre consultation juridique. Que je trouve même que c’est une insulte de venir me dire à moi que vous allez faire une consultation juridique sur mon cas.
Moi c’est la politique qui m’a envoyé en prison et c’est la politique qui m’a fait sortir. Je suis sorti là c’est pour faire la politique. Ce qu’il y a de plus urgent à faire à l’heure-là, c’est la passation de charges. Parce que je venais à peine de sortir de prison que les journaux avaient commencé à dire est-ce qu’entre Miaka et Affi il ne va pas y avoir de palabre ? Est-ce que Miaka va donner le parti à Affi. J’ai dit si on fait la passation de charges, on coupe cours à tout ça et on passe à autre chose. Quand ils ont vu que je n’étais pas prêt à me laisser faire, ils ont battu en retraite (…) »
Propos retranscrits par Diomandé Sekouba à Paris