De graves accusations contre l’ex-régime

Gbagbo_Laurent 

Dans une déclaration dont copie nous est parvenue hier, l’ancien député de Bouaflé, Allomo Paulin, s’insurge contre l’attitude des personnalités qui rendent visite à Laurent Gbagbo à La Haye.

Honorable Allomo Paulin, Ancien député de Bouaflé

Honorable Allomo Paulin, Ancien député de Bouaflé

Le père fondateur avait toujours dit de ne pas laisser tomber la Côte d’Ivoire dans les mains des aventuriers. En effet, dans sa clairvoyance, le président Félix Houphouët-Boigny a fait de la Côte d’Ivoire, un pays envié parmi les pays sous-développés. Il a très vite compris que le développement d’un pays commence par la formation des citoyens. Il a ainsi envoyé très tôt les Ivoiriens en formation en France. Il a aussi doté les ministères de l’Education nationale successifs des plus gros budgets. Il a donné la priorité à la terre en privilégiant l’agriculture. Cette politique a conduit la Côte d’Ivoire à l’autosuffisance alimentaire. Car, Félix Houphouët-Boigny a dit que celui qui a faim n’est pas un homme libre. Il a également favorisé l’implantation des petits agriculteurs pour permettre une meilleure exploitation des ressources agricoles. Il a utilisé tous les piliers de développement d’un pays. De l’agriculture à la formation, en passant par la santé et l’économie. Tout cela dans un esprit de paix, en privilégiant le dialogue entre les Ivoiriens, d’une part. Et d’autre part, entre la Côte d’Ivoire et le monde entier. Il a fait des Ivoiriens des citoyens dignes, fiers et admirés par tous les citoyens du monde. Quand, à l’an 2000, vint ce que le président Houphouët-Boigny redoutait. La prise du pouvoir par des aventuriers qui n’ont fait aucun effort pour comprendre la philosophie politique du père fondateur. Ces aventuriers sont venus avec un nom, la refondation. Ce nom a été utilisé dans tout son sens. C’est-à-dire détruire le passé pour construire sur du faux. C’est ainsi que l’on a vu des inexpérimentés, des sans-emplois occuper de hautes fonctions dans l’administration jusqu’à la magistrature suprême, avec son corollaire d’assassinats d’adversaires politiques et de militants de l’opposition, dès leur prise de pouvoir. Tout ceci dans une gabegie financière sans précédent avec le slogan « C’est notre tour ». Ils ont tellement refondé qu’ils ont laissé un pays détruit et ruinée avec une jeunesse sans avenir, frappée par un taux de chômage de plus de 70%. En plus des morts, l’autre crime (dont personne n’en parle, mais qui est le plus grand passif de la refondation), est celui de l’avenir détruit des 11 générations de diplômés de 2000 à 2011. Tous ces diplômés devenus des apprentis de Gbaka, vendeurs de ceintures, de parfums, vendeurs ambulants, gardiens de voitures, avec pour conséquence l’augmentation des filles-mères et de jeunes gens alcooliques. Tout cela s’est terminé par une guerre causée par leur refus de reconnaitre leur défaite électorale. Aujourd’hui, certains de ces hauts criminels, car c’est ainsi qu’on désigne tous ceux qui sont à la Cour pénale internationale, de la même trempe que Slobodan Milosevic, Charles Taylor et les autres, se retrouvent à La Haye.

LES CRIMES DE LA RÉFONDATION

Mais, curieusement, au moment où le monde entier se bat pour que Charles Taylor et les autres restent en prison, en Côte d’Ivoire, certaines personnes veulent faire du cas Laurent Gbagbo une exception. Or, tout le monde sait que le bilan de la refondation a été catastrophique, et les Ivoiriens continuent d’en subir les contre-effets. Nous avons tous pris un coup de vieux de ce passage à vide de dix ans pour ceux qui sont encore vivants. Sans oublier ceux qui sont morts. Car le taux de mortalité a été très élevé sous son règne. Non seulement Laurent Gbagbo et ses camarades ont échoué dans la gestion des fonds de l’Etat. Mais, ils n’ont pas été aussi capables de gérer les hommes. Au point de conduire la Côte d’Ivoire dans une grave crise postélectorale qui a provoqué la mort de plusieurs milliers de personnes. Le règne de dix ans de Laurent Gbagbo a été jalonné de tueries et de massacres. Le début de son règne a été souillé par l’assassinat de plus de 300 personnes en octobre 2000. Les 56 corps du charnier de Yopougon en est une parfaite illustration. A ce décompte macabre, il faut ajouter les victimes des escadrons de la mort et les massacres des 24, 25 mars 2004, lors de la marche de l’opposition. A peine les plaies de ces profonds traumatismes se referment-elles que des voix s’élèvent pour dénoncer la détention de Laurent Gbagbo à La Haye. Comme s’ils s’étaient passé le mot, tous les visiteurs d’un jour du célèbre pensionnaire de la prison de Scheveningen, à leur retour au pays, réclament la libération de l’ancien chef d’Etat ou son jugement en Côte d’Ivoire. Et dans les rangs de ces farouches défenseurs de la cause de Laurent Gbagbo, l’on compte des anciens hauts cadres et hommes politiques qui, pourtant, passaient tout leur temps à le vilipender lorsqu’il était dans l’opposition et même au pouvoir. Pourquoi, diantre, ce revirement à 180° ? Sont-ils dans une escroquerie politique ou sont-ils subitement devenus amnésiques au point d’oublier le passé ? La libé- ration de Laurent Gbagbo ou son retour en Côte d’Ivoire est-il la vraie solution au problème de la Côte d’Ivoire ? Nous en doutons fort. Car le problème de fond, ce n’est pas la personne de Laurent Gbagbo lui-même. La Côte d’Ivoire est trop grande pour que son destin s’arrête à un individu. Le problème de fond, à notre humble avis, c’est le pardon. Tous ceux qui vont rencontrer Laurent Gbagbo dans sa prison, ont-ils une fois conseillé à l’ancien président de la République de reconnaitre sa part de responsabilité dans la tragédie que nous avons vécue dont nous continuons de subir les conséquences, en demandant humblement pardon à toutes les victimes des crises survenues, ici, en Côte d’Ivoire ? Dans la réponse à cette question fondamentale se trouve la clé du problème de la Côte d’Ivoire et du devenir de Laurent Gbagbo. Car, il serait incongru de croire que l’on peut sauver le soldat Gbagbo en dehors de toute démarche rédemptrice. Le président de la Ré- publique, Son Excellence Alassane Ouattara, en dépit du pouvoir de grâce que lui confère la Constitution, ne peut en faire usage contre l’opinion de la majorité des Ivoiriens. C’est en cela que le discours prononcé par le président Ouattara, lors de son meeting de clôture à Korhogo, pendant sa visite d’Etat dans la région des Savanes, prend tout son sens. Pour apaiser les cœurs des Ivoiriens, Laurent Gbagbo doit d’abord reconnaitre ses torts et demander pardon. C’est à partir de là que la question de sa libération et de son retour en Côte d’Ivoire prendra tout son sens. Car, n’oublions pas qu’il a une grande part de responsabilité dans tout ce qui s’est passé en tant qu’ancien chef d’Etat. Si la sagesse habitait tous les visiteurs d’un jour de Laurent Gbagbo, le mécanisme pour le ramener en Côte d’Ivoire serait trouvé.

Honorable Allomo Paulin, Ancien député de Bouaflé

Source : L’Inter N°5102 du Lundi 15 Juin 2015