“Nous faisons confiance aux présidents Alassane Ouattara et “ Henri Konan Bédié. ”
Délégué départemental du Pdci-Rda en Angleterre, Mathieu Kadio est également président du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). De passage récemment à Abidjan, il a évoqué la vie de son parti au Royaume Uni tout en se prononçant sur l’appel de Daoukro, les « irréductibles » et leur défilé à La Haye.
Comment se porte le Pdci au Royaume Uni ? Comment est-il organisé ?
Le Pdci-Rda se porte à merveille au Royaume Uni. J’ai découpé le Royaume Uni en régions, que nous appelons des sections. Au sein des sections, il y a des comités de base. A Londres seulement, il y a cinq grandes sections. Au nord, c’est Londres 1 ; le sud est appelé Londres 2 ; le centre, Londres 3, l’Est, Londres 4 et l’ouest, Londres 5. En dehors de Londres, il y a la section de Nidland et Westmidland, qui recouvre Coventry, Manchester, Birmingham. Dans chacune des villes est installé un comité de base. En Irlande, nous avons le même découpage. Au début, on appelait la section d’Irlande, le Pdci régional, mais c’est devenu maintenant une section de ma délégation. Il y a deux grandes villes là-bas : celle où se trouve le siège du Pdci et la capitale, Dublin, où il y a également une section. Dans chacune des villes sont installés des sous-comités de base. C’est vous dire que nous sommes très organisés au niveau du Pdci du Royaume Uni. Tous les mois, le bureau exécutif et les secrétaires généraux de section, nous nous retrouvons à Londres pour discuter de la vie du parti.
L’actualité au sein de votre parti, c’est l’appel de Daoukro. Comment vous avez accueilli cette proposition du président du Pdci, Henri Konan Bédié ?
Bien avant l’annonce officielle, j’avais déjà donné ma position sur ce projet qui se murmurait. Dès que ça été officialisé, je l’ai accueilli positivement. Je me suis dit que le président Bédié a été bien inspiré. Qui aime la Côte d’Ivoire doit accepter car nous vivons actuellement une paix fragile. Pour la préservation de cette paix, il faut qu’on s’entende pour qu’il n’y ait pas de déchirure. Nous avons fait venir à Londres M. Daouda Zié Coulibaly, président de la Fondation Espoir Pdci, pour qu’il nous parle des enjeux de cet appel. Depuis, beaucoup de militants ont compris que le président Bédié n’a pas mal fait. Le Pdci, vous le savez, est un parti de paix et nous sommes soucieux d’éviter qu’il y ait des dérapages dans le genre de ce que nous avons vécu en 2011.
Ceux qui s’opposent à l’appel de Daoukro estiment que le Pdci va rater là une occasion rêvée de revenir au pouvoir…
Non, je ne crois pas qu’on rate une quelconque occasion. Le problème, c’est que nous, les hommes, sommes pressés. Nous voulons tout tout de suite. Il ne faut pas avoir le pouvoir pour l’avoir ; nous pensons que le moment n’est pas venu pour le Pdci de briguer le pouvoir d’État. Il faut être patient. Ce moment sera mis à profit pour accéder au pouvoir, mais de façon galante. Ceux que vous avez appelez des frondeurs n’ont pas tort, ce sont des amis. Leur amour pour le Pdci fait qu’ils ne réfléchissent pas parfois dans le même sens que nous. Quand, je vois les arguments qu’ils développent, je les comprends. Mais ce qui manque à ces amis, c’est la patience.
Vous pensez que M. Banny est trop pressé de devenir président ?
M. Banny a une ambition que nous ne partageons pas. Le président du parti a estimé que le moment n’était pas propice pour le Pdci de briguer la magistrature suprême. Je pense qu’au nom de la discipline du parti, nous devons tous nous aligner. C’est vrai qu’en interne, il peut avoir débat, mais une fois que la décision est prise, on devrait s’aligner pour préserver l’unité et la cohésion du parti. Aller de contradiction en contradiction, c’est présenter une mauvaise image du parti. Tout cela me fait penser à ce qui s’est passé lors du 12e congrès du parti. Avec ce que nous avons vu à ce congrès-là, on peut prévoir ce qui attend ces amis. Mais je respecte leurs points de vue. Je pense que c’est le profond amour qu’ils ont pour le Pdci, qui pousse certains parmi eux à agir ainsi. Mais pour d‘autres, c’est une envie folle d’accéder au pouvoir.
Vous soutenez, comme bien des acteurs politiques avant vous, que l’appel de Daoukro vise à préserver la paix. Dites-nous, en quoi ne pas soutenir la candidature du président Alassane Ouattara serait source de troubles pour la Côte d’Ivoire ?
Je disais tantôt que l’appel a été lancé pour des raisons propres au Pdci, mais je ne vais pas rentrer dans ce débat. Je vous ferai juste observer qu’une multitude de candidatures au sein du Rhdp, risque de nous faire perdre le pouvoir. Or, moi qui suis venu au pays, j’ai pu circuler librement, et je suis même resté parfois dehors jusqu’à minuit. Ceci pour dire que le gouvernement travaille. Si nous aimons vraiment ce pays, nous devons accorder encore du temps à ce gouvernement pour épuiser son programme. Vous me direz que l’État est une continuité, autrement dit, si eux ils ne sont plus là, d’autres vont poursuivre l’œuvre. C’est vrai, mais j’estime que celui qui a conçu son programme peut mieux l’exécuter. Un autre mandat de cinq ans ne fera pas de mal ; bien au contraire, ça va pré- server la paix dans ce pays.
L’ex-ministre des Affaires étrangères, Essy Amara, soutient qu’il est candidat pour une réconciliation vraie entre les Ivoiriens. Sa candidature vous semble-t-elle ainsi justifiée ?
Ecoutez, c’est son point de vue, que je respecte d’ailleurs. C’est un monsieur pour qui j’ai beaucoup de respect. Cela dit, je pense que la consolidation de la réconciliation et de la paix ne doit pas se faire maintenant. On devrait avoir commencé à construire la paix et la réconciliation dès la fin de la crise post-électorale. Moi, j’avais déjà tenu des réunions avec nos amis du Fpi et des autres partis, une façon de dire que la crise est terminée et que nous devons nous mettre ensemble pour bâtir le pays. Pourquoi est-ce maintenant que certains veulent prendre à bras le corps la question de la réconciliation ? Quand M. Banny était président de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr), pourquoi M. Essy Amara ne lui a-t-il pas « vendu » les brillantes idées qu’il dit avoir pour l’aider à mener à bien sa mission ? Est-ce une façon à lui de dire que M. Banny a échoué à réconcilier les Ivoiriens, c’est pourquoi lui se pose en artisan de la réconciliation ?
Faut-il « brûler » ceux qui s’opposent à l’appel de Daoukro ?
Ah non ! Il ne s’agit pas de « brûler » qui que ce soit, ce sont des frères, ce sont des militants du Pdci. Ce n’est pas parce qu’ils ont une autre façon de voir les choses qu’il faut les brûler. J’aurais souhaité que tout le monde s’asseye autour d’une table, et que du débat contradictoire, sorte un vainqueur. Moi, je leur demande de revenir à la maison, les portes leur sont encore grandement ouvertes. Qu’ils viennent et qu’on reconstruise le Pdci afin qu’on se projette pour la reconquête du pouvoir d’Etat.
Des dissidents de votre parti sont allés rencontrer l’ancien président Laurent Gbagbo à La Haye. Quel jugement portez-vous sur leur démarche ?
Je ne vois pas cela d’un mauvais œil. Gbagbo et Blé Goudé sont leurs frères, ils peuvent donc aller leur rendre visite. Si j’avais un frère qui était emprisonné à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan), je serais passé le voir depuis mon arrivée à Abidjan. Donc, il n’y a pas a priori, de mal en cela. Mais c’est à eux de nous dire ce que cache leur visite à La Haye. Est-ce pour faire plaisir à l’électorat de Gbagbo ? C’est vrai que la campagne électorale se fait aussi à l’extérieur mais c’est d’abord en Côte d’Ivoire. J’aurais souhaité qu’ils restent ici s’ils espèrent toucher le cœur des électeurs ivoiriens. Ils perdent leur temps en allant à l’extérieur.
Le Pdci n’est-il pas naïf de penser qu’il reviendra au pouvoir d’ici cinq ans, de façon élégante comme vous disiez tantôt ?
Encore que la notion de naïveté est relative. Je pourrais moi aussi vous retourner la question en disant que c’est peut-être ceux qui pensent que le Pdci ne reprendra pas le pouvoir en 2020 qui sont naïfs. Nous faisons confiance aux présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. La parole d’un président de la République, c’est presqu’une parole d’évangile. C’est vrai que nous avons eu des présidents qui ne respectaient pas leur parole. Le président Bédié aussi est un homme de parole, qui ne trahit pas son peuple. Donc, s’il dit que son jeune frère et lui se sont entendus pour qu’il y ait alternance en 2020, je n’ai pas de raison de douter de leur bonne foi. Au contraire, je dois ouvrer à faire en sorte que ce sur quoi ils se sont entendus soit une réalité. En échangeant avec des cadres du Rdr, je dois leur faire comprendre que le pouvoir doit revenir au Pdci en 2020. Ce n’est pas du tout être naïf que de voir les choses ainsi.
Savez-vous qu’il se murmure que le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, se prépare à disputer le fauteuil présidentiel à tout autre candidat en 2020 ?
Non, je ne le sais pas. C’est vous qui me l’apprenez. Je ne crois pas que le président de l’Assemblée nationale se soit prononcé publiquement sur la question. Si le Rdr (puisqu’il fait partie du Rdr), le Pdci et les autres partis du Rhdp se sont entendus pour dire que c’est au Pdci que doit revenir le pouvoir en 2020, je ne crois pas que le président de l’Assemblée nationale puisse s’opposer à cette décision. Je reste, pour ma part, confiant. Mais tout dépendra aussi de ce que nous, au niveau du Pdci, poserons comme acte pour montrer que nous méritons ce fauteuil présidentiel.
Pensez-vous que les conditions sont réunies pour que les prochaines élections se tiennent et soient transparentes ?
Qu’entendez-vous par conditions ?
La Commission électorale indépendante(CEI), la liste électorale…
Mais la Cei est déjà installée. On en connaît les acteurs. C’est justement parce que l’opposition craint de ne pas faire le poids, qu’elle fait tout pour troubler la Cei. Je pense que tout est mis en place pour qu’on aille aux élections, et que ces élections se déroulent de façon paisible. Le président de la République disait récemment à la télévision que, s’il perd les élections, il va partir. Si le Rhdp venait à échouer, nous allons partir ; nous n’allons pas nous accrocher au pouvoir. Mais nous savons que nous allons gagner parce que nous allons nous préparer pour faire une campagne convaincante.
Pensez-vous que le fait, pour le président Ouattara, de bénéficier du soutien du Pdci, suffit pour gagner la prochaine présidentielle ?
En toute logique, lorsqu’on prend le Pdci dans son ensemble plus le Rdr, on se retrouve dans le même cas de figure qu’en 2010, et donc, c’est tout à fait normal qu’on puisse obtenir au moins 51% des voix.
Et cela malgré la dissidence au Pdci et un éventuel boycott d’une partie des Ivoiriens se reconnaissant en l’ancien président Laurent Gbagbo ?
A propos des dissidents du Pdci, que représentent-ils ? Si je m’en tiens aux statistiques issues du 12e congrès du Pdci, ils ne pèsent pas 6%. Ils sont négligeables. Et même si on prend l’ensemble de l’opposition et qu’on y ajoute ces 6% du Pdci, ils ne font toujours pas le poids. Par ailleurs, au niveau du Fpi, il y a aussi une dissidence, ce qui veut dire qu’il pourrait aller en rangs dispersés aux élections. Dans ces conditions, il y aura un émiettement de l’électorat de ce parti. Quant à la coalition qui vient de se former (Coalition nationale pour le changement – Cnc -, ndlr), elle pourrait, elle aussi, présenter plusieurs candidats. Je me serais peut-être inquiété si l’opposition présentait un seul candidat. Donc, pour me résumer, je pense que nous gagnerons les élections et proprement. On ne fera pas un passage en force.
Les réalisations du président Ouattara peuvent-elles lui faire gagner des voix dans le camp des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo ?
Un président qui est candidat à sa propre succession est jugé par rapport à son bilan, par rapport à ce qu’il a fait ou n’a pas fait durant son premier mandat. Dans le cas du président Alassane Ouattara, il sera jugé par rapport à ce qu’il a pu faire pendant les cinq dernières années. Qu’a-t-il fait ? Si j’avais à voter, c’est ce genre de question qui va guider mon choix, et non des considérations ethniques ou régionalistes. Et les Ivoiriens savent que ce monsieur a travaillé et continue de travailler ; ils ne sont pas dupes. Donc, oui, les réalisations du président Ouattara plaident pour lui. C’est ce qui me fait dire que le Rhdp n’a vraiment pas de souci à se faire concernant les élections à venir, car nous avons suffisamment démontré que nous aimons ce pays, que nous voulons qu’il vive dans la paix, pour que nous travaillions à son développement.
Interview réalisée par Assane NIADA
Source : Soir Info 6204 du mercredi 10 juin 2015