Il reçoit une importante personnalité africaine
Laurent Gbagbo, faiseur de roi ? Le célèbre détenu de la Cour pénale internationale (Cpi) a eu un programme de visites particulièrement chargé cette semaine finissante. L’ex-président de la République de Côte d’Ivoire a reçu, au pénitencier de La Haye, pour la deuxième fois, lundi 23 mars 2015, Kouadio Konan Bertin dit KKB. Le mercredi 25 mars 2015, c’était le tour de Charles Konan Banny d’être son hôte. Ces deux visiteurs ont la particularité d’appartenir au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) et d’être des candidats déclarés à la présidentielle de 2015.
On n’a point besoin d’être sorti des grandes écoles de Sciences politiques pour savoir que ces visites sont loin d’être fortuites. Au-delà même du soutien et du réconfort que ces deux personnalités sont allées apporter au fondateur du Front populaire ivoirien (Fpi), KKB, Charles Konan Banny et certainement Essy Amara, lui aussi candidat à cette présidentielle, espèrent secrètement que Laurent Gbagbo puisse, au moment opportun, leur apporter le soutien nécessaire. Car, il est fort possible, vu la procédure judiciaire dans laquelle il se trouve, que l’ex-opposant de Félix Houphouët-Boigny ne soit pas dans le starting-block des candidats retenus pour la présidentielle de 2015. Dès lors, quelle consigne de vote, discrète ou pourquoi pas publique (par la voix de son Porte-parole), donnera Laurent Gbagbo qui a eu un score remarquable à la présidentielle de 2010 ? Va-t-il soutenir un cadre de son parti ou un autre candidat à cette élection ?
Sans le dire, ses visiteurs espèrent bénéficier du soutien des électeurs qui continuent de se reconnaître en lui.
En d’autres termes, les candidats issus du Pdci recherchent, dans un contexte où Alassane Ouattara est présenté comme le favori de cette élection, surtout avec le soutien dont il bénéficie des partis alliés, que Laurent Gbagbo fasse d’eux, des Rois. Qu’il puisse… mélanger les calculs des pro-appel de Daoukro…
Avant qu’il ne lui rende certainement visite, Essy Amara a révélé avoir pris des contacts pour sa libération. « Gbagbo a fait 47% lors de l’élection présidentielle, on ne peut pas les ignorer. Il faut trouver une solution pour M. Gbagbo. Je suis un militant pour sa libération. Il y a eu des enquêtes préliminaires, il va être jugé, et après, on verra ce qu’on peut faire. J’ai parlé avec le président des partis du Traité de Rome, au ministre de la justice du Sénégal, qui fut à la tête de la Fidh…A long terme, il faut trouver une solution au cas de Gbagbo. Ce n’est pas une gloire pour nous de savoir qu’un chef d’Etat africain est détenu à la Cour pénale internationale », a-t-il pris position, samedi 7 mars 2015, dans un entretien avec les internautes d’abidjan.net.
Charles Konan Banny, lui, justifie pourquoi il n’a pu rendre visite à l’ex-chef de l’État quand il présidait la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr). « Concernant le président Gbagbo, j’avais toujours dit qu’il ne pouvait pas être exclu du processus de réconciliation nationale. J’avais donc décidé d’aller le rencontrer à La Haye. Je m’en suis ouvert au chef de l’État qui m’avait mis en mission. Il m’a répondu que ceux qui sont détenus dans les liens de la justice pénale ne sont pas concernés par la réconciliation nationale », a-t-il confié, la semaine dernière, en France, sur une télévision en ligne.
Le Fpi et les autres…
Ce ne sont pas seulement les candidats issus des autres formations politiques qui attendent de bénéficier du soutien de M. Gbagbo. Au sein même du Fpi, son parti, on espère être le candidat soutenu par l’ex-numéro 1 ivoirien. Pascal Affi N’Guessan, qui ne cache pas son ambition d’être candidat à cette présidentielle, a déjà annoncé qu’il ira voir son mentor à La Haye. Lui aussi, espère avoir le quitus de son leader pour continuer d’être le président du Fpi et le candidat de ce parti à la présidentielle. Ainsi, il parviendra à confondre ses opposants internes, et partant… mélanger leurs plans.
C’est un secret de polichinelle : d’autres cadres du Fpi veulent aussi être le choix de Laurent Gbagbo. Ils multiplient les contacts directs et indirects avec lui.
Au point où ces ballets effectués ou annoncés ont suscité bien de commentaires sur la toile. « L’effet boomerang ou quand La Haye devient la plaque tournante de la politique ivoirienne. Oui, La Haye est devenue aujourd’hui le centre névralgique où se prennent les plus grandes décisions concernant la marche de la Nation, le sésame qui ouvre des perspectives heureuses pour des élections apaisées en Côte d’Ivoire. Le ballet diplomatique exécuté par des personnalités politiques ivoiriennes et africaines de premier plan, à l’approche des échéances électorales, démontre clairement le rôle central et la place prépondérante qu’occupe, bien qu’embastillé et emmuré à Scheveningen, le président Laurent Gbagbo sur l’échiquier politique ivoirien. Une autre leçon que nous apprend cette “ronde” incessante à La Haye, est de nous convaincre de la justesse de notre combat… », s’est félicité, hier jeudi, sur sa page facebook, l’ex-ministre de Laurent Gbagbo, chargée de la solidarité, Ohouochi Clotilde Yapi.
« La Cpi est devenue un lieu de pèlerinage depuis que Gbagbo y a été déporté. Les intellectuels et les hommes politiques d’envergure y affluent tous les jours pour rencontrer le Président Gbagbo », s’est réjoui, sur le même espace, hier jeudi, le Secrétaire général de la Coalition des patriotes en exil (Copie), Idriss Ouattara.
Outre les hommes politiques ivoiriens, des personnalités étrangères rendent visite à Laurent Gbagbo. Selon nos sources, Amath Dansokho, ministre d’Etat auprès du président de la République du Sénégal, et président honoraire du Parti de l’indépendance et du Travail (Pit, Sénégal) a échangé, mercredi 25 mars 2015, à La Haye, avec l’ancien président ivoirien.
SYLLA Arouna
Source : Soir Info, vendredi 27 mars 2015