En conférence de presse pour se prononcer sur la candidature à un troisième mandat présidentiel d’Alassane Ouattara, mardi 25 août 2020, le président sur papier du Front Populaire Ivoirien, Pascal Affi N’Guessan n’a pas usé de langue de bois pour dire ses vérités à son adversaire. Tout en dressant le bilan des dernières manifestations de rue des Ivoiriens contre cette candidature inopportune, le candidat Affi a appelé l’opposition ivoirienne au rassemblement afin de venir à bout de 30 années de soubresaut depuis l’arrivée sur la scène politique d’Alassane Ouattara. Est-il sincère ? Morceaux choisis des propos liminaires du conférencier.
Belles propositions à l’opposition ivoirienne que celle faite par Pascal Affi N’Guessan au cours de cette conférence de presse. ‘’Alors qu’ils sont minoritaires, M. Ouattara et son régime se permettent toutes sortent de dérives parce qu’ils voient que l’opposition est divisée, éparpillée et émiettée. Ils comptent donc sur la dispersion de la majorité pour tenter de s’éterniser au pouvoir. Si M. Ouattara réussit ce braquage électoral, ce serait aussi de notre faute à tous, opposants à son régime. Ce serait aussi une trahison envers le peuple de Côte d’Ivoire qui soutient majoritairement l’opposition dans ses différentes composantes. Ce serait enfin la preuve de l’incapacité de l’opposition ivoirienne à surmonter ses frustrations, les questions d’amour propre, de positionnement et d’ego pour constituer une force politique’’, a-t-il exhorté ses ex-camarades du Front populaire ivoirien, et toute la classe politique opposée à Alassane Ouattara, Président de la République, Président du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (Rhdp) en violation flagrante de la Constitution ivoirienne, et candidat illégal à un troisième mandat présidentiel. C’est l’idéal, et c’est le souhait de presque toutes les composantes des populations ivoiriennes dans leur écrasante majorité.
Une interrogation majeure demeure cependant. Le rassemblement se fait autour de quelle personnalité
Une interrogation majeure demeure cependant. Le rassemblement se fait autour de quelle personnalité, quand on sait que les rancœurs entre militants, de mêmes partis, et de partis à partis, sont profondes. Au Fpi, depuis capture, puis la déportation du Président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (Cpi), les militants se regardent en chiens de faïence. La réconciliation, aussi bien des cadres des deux camps qui se disputent le leadership du parti, que des militants de base reste pour l’heure un nœud gordien dont le dénouement est incertain pour encore longtemps.
Alors que les ‘’Gbagbo ou rien (les GOR)’’ luttent pour une candidature de l’ex-Président à la présidentielle 2020 nonobstant toutes les entraves du pouvoir d’Abidjan, les ‘’Affiistes’’ se réjouissent de celle de Pascal Affi N’Guessan, du Fpi dit légal. Lequel a même déposé cette candidature ce jeudi 27 août 2020 à la Commission électorale prétendument indépendante. Là où les ‘’GOR’’ attendaient de lui la solidarité militante qui demande qu’il se joigne à eux pour exiger la présence du fondateur de leur parti en exil forcé à la compétition. Pour eux, donc, l’appel au rassemblement de l’opposition d’Affi N’Guessan signifie ‘’joignez-vous à moi pour que je devienne président de la République de Côte d’Ivoire afin que je fasse revenir Laurent Gbagbo’’. Toute chose qu’ils refusent d’admettre.
Une fois rassemblés par extraordinaire, les militants du Fpi auront une équation majeure à résoudre
Or une fois rassemblés par extraordinaire, les militants du Fpi auront une autre équation à résoudre, celle de l’alliance avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) de Henri Konan Bédié. Ils se souviennent que le président du Pdci a non seulement encouragé la rébellion armée en 2002, mais il a également été allié à Alassane Ouattara en 2010, en appelant les militants de son parti à voter pour lui au 2ème tour à la présidentielle de cette année-là. Bien plus, il est à la base de la création du Rhdp, et a gouverné avec Alassane Ouattara durant tout son premier mandat. C’est lorsque celui-ci tergiversait dans la confirmation de l’accord qui l’avait emmené à faire ‘’l’appel de Daoukro’’, en septembre 2014, et qui exigeait que le Pdci ne présente et ne soutienne aucun autre candidat, ni investi par le parti, ni un militant sorti de ses rangs, que Henri Konan Bédié a claqué la porte au Rhdp. Malheureusement, il y a laissé des plumes, avec des cadres et non des moindres, qui n’ont plus voulu faire marche-arrière. Pour les militants du Fpi, se rassembler autour de Henri Konan Bédié pour venir à bout d’Alassane Ouattara serait se faire hara-kiri. ‘’Ce serait devenir les enfants de l’assassin de notre père, qui prend notre mère en seconde noce’’, disent certains.
La haine, qui résulte des alliances politiques de l’opposition est vive, très vive même
La haine, qui résulte des alliances politiques de l’opposition formées contre les tenants momentanés du pouvoir, est vive, très vive même. En 1994, après la création du Rassemblement des Républicains (Rdr), le Fpi de Laurent Gbagbo alors dans l’opposition s’était allié au Rdr de feu Djény Kobena Georges dans le Front républicain. Ce front, qui a fonctionné contre Henri Konan Bédié jusqu’en 1999, a été cassé à l’arrivée au pouvoir de feu le Général Robert Guéï par un coup d’Etat militaire en décembre de la même année. Un boycott, dit actif, a même émaillé l’élection de l’intérimaire de feu le Président Félix Houphouët-Boigny en 1995. Le président du Pdci, renversé par les armes, continue de fulminer sa vengeance et entend prendre sa revanche avec la présidentielle 2020. Là, les militants du Fpi ne sont pas prêts à l’accompagner. Laurent Gbagbo recalé à la compétition présidentielle 2020 par mauvaise foi et la peur, quelle personnalité reste-t-il à l’opposition autour de qui se ferait un salutaire rassemblement comme en appelle Pascal Affi N’Guessan ? ‘’.
Les Ivoiriens sont impatients de savoir autour de qui ils devront se rassembler
‘’Je lance ici et maintenant un appel solennel au rassemblement de tous ceux qui se réclament de l’opposition. Mettons de côté toutes nos querelles intestines. Elles sont mineures et secondaires par rapport à l’intérêt général. C’est ensemble que nous devons engager la bataille pour une alternance démocratique et pacifique dans notre pays. L’heure de l’unité d’actions a sonné. Le moment de se rassembler est arrivé. Je l’ai déjà fait par le passé, je suis prêt à le refaire parce que, unis, nous serons plus forts. C’est à nous d’être en première ligne’’, dit Pascal Affi N’Guessan. Les Ivoiriens sont impatients de savoir autour de qui ils devront se rassembler.
Laurent Nahounou
laurentmadoun@gmail.com