Par Simplice ONGUI
Trente-cinq ans après les événements marquants de la fin de la guerre froide, les États-Unis semblent rejouer les scénarios qui ont marqué le mois de décembre 1989. Alors que l’histoire avançait à grands pas avec la chute du mur de Berlin et le sommet de Malte, le contexte actuel, en décembre 2024, évoque des similitudes troublantes. Les tensions en Roumanie et au Panama reflètent la persistance de stratégies impérialistes, sous couvert de rivalité géopolitique, notamment face à la montée en puissance de la Chine.
Un Contexte Chargé : 1989 et 2024
En 1989, la chute du mur de Berlin, suivie de la réunion historique entre George H. W. Bush et Mikhaïl Gorbatchev à Malte, a marqué la fin de la guerre froide. Cependant, ces événements ont également coïncidé avec des opérations militaires controversées, comme l’invasion du Panama et les événements sanglants en Roumanie. À l’époque, les États-Unis s’affirmaient comme la seule superpuissance mondiale, prêtant main-forte à la diffusion de leur modèle économique et politique sous prétexte de défendre la démocratie.
En décembre 2024, le schéma se répète avec des élections annulées en Roumanie et des tensions croissantes au Panama. Ces événements soulignent l’insistance des États-Unis à maintenir leur influence, particulièrement face à une Chine perçue comme une menace existentielle.
Roumanie : La Base Stratégique de l’OTAN en Ébullition
La Roumanie, pilier stratégique de l’OTAN, est au cœur des tensions actuelles. Ses ports servent à acheminer les armes et les ressources depuis l’Ukraine, mais les récentes élections ont révélé un mécontentement croissant envers l’actuel gouvernement pro-occidental. Le choix d’un candidat souverainiste, favorable à un rapprochement avec la Russie, a conduit à l’annulation pure et simple des élections. Ce scénario rappelle les méthodes employées en 1989 pour justifier des changements de régime, notamment avec le fameux « faux charnier » de Timișoara.
Panama : Le Canal au Cœur des Rivalités
La déclaration récente de Donald Trump sur la nécessité pour les États-Unis de « reprendre le contrôle » du canal de Panama fait écho à l’opération « Just Cause » menée en 1989. À l’époque, les États-Unis avaient envahi le Panama pour destituer le général Noriega, sous prétexte de violations des droits humains et de menaces contre les citoyens américains. Aujourd’hui, Trump accuse la Chine de renforcer son influence sur cette voie navigable cruciale, ravivant ainsi les tensions géopolitiques.
Le président panaméen, Ricardo Mulino, a répondu avec fermeté :
« Chaque mètre carré du canal de Panama appartient au Panama et le restera. La souveraineté et l’indépendance de notre pays ne sont pas négociables. »
Cette posture rappelle celle de nombreux pays d’Amérique latine qui tentent de résister aux pressions exercées par les grandes puissances, qu’il s’agisse des États-Unis ou de la Chine.
Un Conflit Global Larvé : États-Unis, Chine et le Monde Multipolaire
Les tensions actuelles ne se limitent pas à ces deux régions. Elles s’inscrivent dans une rivalité globale entre les États-Unis et la Chine, où chaque camp cherche à étendre son influence. Washington, en perte de vitesse face à l’essor économique et technologique de Pékin, adopte une posture de plus en plus agressive. Cette dynamique rappelle la rhétorique du « péril jaune » : une vision idéologisée et dépassée qui diabolise la Chine en tant que menace civilisationnelle.
En Roumanie, au Panama et ailleurs, les petites nations deviennent des pions sur l’échiquier des grandes puissances. Les interventions, qu’elles soient militaires ou diplomatiques, s’accompagnent de justifications morale sur la défense de la démocratie et des droits humains. Pourtant, ces actions masquent souvent des objectifs économiques et stratégiques plus cyniques.
1989-2024 : Une Histoire Qui Bégaye
L’invasion du Panama en 1989 et les événements actuels montrent que les logiques impérialistes des grandes puissances perdurent. La « paix » obtenue à Malte entre Gorbatchev et Bush n’était qu’une façade masquant une redistribution des rapports de force mondiaux. De la Roumanie au Panama, en passant par l’Ukraine et la Syrie, les conflits sont entretenus pour préserver des intérêts stratégiques et économiques.
Cependant, l’histoire ne se répète jamais à l’identique. Alors que les États-Unis tentent de rejouer les scénarios de 1989, le contexte mondial a changé. L’émergence des BRICS et l’affirmation de la Chine modifient les équilibres. Pourtant, les réponses idéologiques occidentales restent figées dans des schémas dépassés, incapables d’intégrer les nouvelles réalités.
Conclusion : Les Limites de l’Hégémonie
Les événements de décembre 2024 rappellent que l’hégémonie américaine est mise à rude épreuve. La rivalité avec la Chine, combinée aux résistances locales en Amérique latine et en Europe de l’Est, souligne les limites d’une stratégie basée sur la force et l’ingérence. Trente-cinq ans après 1989, le monde évolue vers une multipolarité que les grandes puissances occidentales semblent avoir du mal à accepter.
L’histoire s’accélère, mais les outils d’analyse et d’action politique semblent en retard. Si les événements actuels révèlent une transition historique majeure, ils mettent également en lumière l’incapacité des appareils politiques traditionnels, y compris en France, à proposer des alternatives cohérentes face à ces bouleversements.
La question reste ouverte : à quel prix les grandes puissances continueront-elles de rejouer les scénarios du passé, et quelles en seront les conséquences pour l’équilibre mondial ?
Par Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
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