Kah Zion

Kah Zion

(Le Mandat, 13 – 14 Juillet 2013) – J’ai écouté, je t’ai écouté ; j’ai regardé, j’ai entendu ; je t’ai lu ; je me suis informé ; j’ai recoupé l’information. Si après mûre réflexion, après tergiversation aussi, je me permets de t’écrire cette lettre ouverte, la raison en est fort simple : depuis l’annonce du Congrès ordinaire de notre Parti, le Pdci-Rda, pour octobre 2013, tu t’es installé dans une attitude que je qualifierais de Pdci-quement incorrect.

Est-ce parce que tu as eu le privilège, ce que beaucoup n’ont pas eu, d’avoir pénétré l’intimité du président Henri Konan Bédié que tu te comportes ainsi ? Loin de moi toute idée de sentimentalisme et de sensiblerie ! Tu sais de quoi je parle. Au cours de cette lettre ouverte, je ne m’en tiendrai qu’aux faits, rien qu’aux faits.

Tout part du coup d’Etat, le vendredi 24 décembre 1999. Et, de notre révolte quand nous avons appris que des militants ourdissaient le complot de débarquer et « mettre en congés » le président Bédié de la tête du parti. C’était en cette période que nous avons scellé le pacte de sang ; avec d’autres amis, dont Mme Renée-Marguérite Kanga, Gnamien, Yao Charlot, Gnamantêh, feu Zézé Koffi, feue madame Doh Yolande, Mme Gnamien Ramata, Benson Raymond, Mme Zoma Celestine, Emolo Claude, Mme Essoubo Augustine, etc. Nous avons comme juré sur un fétiche de ne jamais lâcher Bédié quoi qu’il advienne. Cette conviction nôtre a fait que les militants nous ont démarqué de ceux qu’on taxait de judas ; de ceux qui affirmaient péremptoirement qu’on ne pouvait prétendre diriger la Côte d’Ivoire, encore moins le Pdci-Rda, étant à 6000 km. Te rappelles-tu des principes que tu as édités avec Gnamien Yao quand le président Bédié était en exil ? Principes qui ont fait que tu l’as tabassé, en présence de son garde de corps, dans l’enceinte de la maison du parti à Cocody en mars 2009 ? Pour étayer mes dires, je voudrais te citer : « Gnamien Yao et moi, nous nous connaissons très bien… Nous avons ensemble édité des principes. Le concept de “judas” vient de là. Tous ceux qui trahissent Bédié sont des judas et c’est Gnamien Yao qui l’a édité au Pdci-Rda. Je me souviens de la façon dont Gnamien Yao a fait tabasser Akoto Yao Paul. Je me souviens aujourd’hui comme hier de la façon dont il a fait tabasser Danielle Boni Claverie. Et la liste est longue. Gnamien Yao appelle “judas”, celui qui trahit Bédié, celui qui s’attaque à Bédié et celui qui insulte Bédié. Depuis quelque temps, Gnamien est abonné aux injures… Gnamien avait-il besoin de se répandre dans les journaux comme il l’a fait ? Traiter Bédié comme moins que rien ? Parler de Bédié comme si c’était son égal ? La jeunesse du Pdci-Rda ne peut pas tolérer cela aussi longtemps. » Que fais-tu aujourd’hui, mon frère Bertin ? Ne te répands-tu pas dans les mêmes journaux ? Comme si les media ivoiriens ne suffisaient pas, tu t’es volontairement exilé depuis quelques jours, avec l’appui de tes soutiens, tu es sur les chaînes internationales pour mieux attaquer notre « père » ; pour « parler de Bédié comme si c’était ton égal ». Devrions-nous conclure que tu es devenu judas ? Et qu’on devrait t’appliquer la sanction que sous votre instigation, Gnamien Yao et toi, des jeunes du Pdci-Rda ont infligée aux ministres Paul Akoto Yao et Danièle Boni Claverie ? Au demeurant, pourquoi es-tu le plus virulent de tous ? Est-ce, comme je m’interrogeais plus haut, parce que le président Bédié nous a investis de sa confiance ? Oui, je le dis : tu as toujours été un privilégié au Pdci-Rda. Tu l’avoues dans une interview : «Moi-même qui vous parle, il (Bédié) a fait de moi membre du Bureau politique, et du Secrétariat général avant que je ne sois élu président des jeunes du Pdci ». Mais, « Quand le chef vous fait confiance, le plus dur, c’est de mériter cette confiance », dixit un certain Kouadio Konan Bertin, alias Kkb. Ne sommes-nous pas, en l’espèce, dans le cas de « Tu quoque, fili », la célèbre trahison de Brutus envers son père César? En effet, quand le président Bédié est revenu d’exil, après le 11ème Congrès du parti ; et que tu t’apprêtais à porter candidat pour la présidence de la Jpdci ; des jeunes, qui t’ont connu sur le campus, ont tenu à rappeler tes accointances avec la Fédération estudiantine et scolaire (Fesci); et, surtout, la façon dont tu as géré la Cellule de réflexion et d’actions concrètes (Cerac), créée pour contrer la Fesci ; certains de tes adversaires au poste de président de la jeunesse du Pdci te collaient un passé sulfureux et tumultueux. Malgré ces accusations, même quand des jeunes, plus tard, ont tenté de te chasser de la tête de la Jpdci, le président Bédié a tenu à te garder dans son cercle fermé, parce qu’il sait se souvenir. Nous étions, pratiquement, les deux jeunes du Pdci, à avoir eu le privilège d’être de tous les voyages de notre père, depuis l’éclatement de la rébellion, le 19 septembre 2002.

Nous sommes les yeux et les oreilles du patron, toi au niveau de la jeunesse, moi au niveau de la presse. Combien de fois n’avons-nous pas eu à échanger avec le président Bédié sur tous les sujets concernant notre parti ? Tu le sais, mieux quiconque, que je faisais partie des « Bédiéistes de l’an 2000 ». C’est dans mon canard que passaient, gratuitement, tous vos articles et communiqués.

Combien de fois, toi et moi, n’étions-nous pas aussi partis à Daoukro pour sonder notre père avant d’entreprendre certaines actions. Ne te soutiens-tu pas des longues heures que nous avons passées avec le président Bédié quand il a usé de sa patience et de sa sagesse pour nous convaincre de reporter la marche que les jeunes du Rhdp projetaient pour le 15 mai 2010 ? Et, ces paroles fortes qui résonnent encore à mes oreilles, et aux tiennes assurément : « Vos vies sont sacrées, vos vies me sont chères ». Et, il a fait la recommandation suivante, à la fin de notre entrevue : « Je sais que vous m’avez compris et je sais pouvoir compter sur votre esprit de discipline, votre persévérance et votre fidélité ». Des paroles fortes qu’il répétera au cours d’une conférence de presse. Mais, nous en avions la primeur, toi et moi. Je fais ces rappels, pas par sentimentalisme, l’ai-je dit. Mais, juste pour indiquer que tu avais d’autres voies pour te faire t’entendre : (a) l’approche de la confidentialité, étant toi-même un conseiller occulte du président Bédié en tant que responsable de la jeunesse du parti ; (b) la voie des sages par le biais du conseil politique au complet ; (c) la voie du débat démocratique, au sein d’une commission thématique du comité scientifique qui prépare le grand rendez-vous d’octobre, enfin au cours du 12ème Congrès. Mais, rien de tout cela. Tu ne fais que te répandre dans les media, et t’acharner sur le président Bédié.

C’est pourquoi, je souligne que ton comportement est « pdci-quement » incorrect. Pour t’avoir côtoyé, je me demande bien où est-ce que tu vas. Pour avoir mené ensemble des luttes héroïques, remporté, quoi qu’on dise, des victoires pour les idéaux du Pdci-Rda, je suis troublé par ton jeu. Tu ne t’attaquerais pas, de façon aussi cavalière, brutale et frontale à notre père commun que nous avons juré de défendre au prix de tous les sacrifices, si tu n’y étais pas poussé dans le dos; pour ne pas dire, si tu ne te laissais pas manipuler ; je sais de quoi je parle. Et, je préfère te le dire vertement. Ceux qui, dans l’ombre, t’utilisent, t’ont déjà lâché. Tu es grillé comme les deux faces de « tratra » (galette).

Déjà, tu n’es plus reçu dans certains salons feutrés où tu avais l’habitude d’être reçu. Ainsi, sont traités les hommes changeants. Tu le sais : tu ne peux même pas rêver, être président du Pdci-Rda, ni aujourd’hui ni demain, sans l’aval de Bédié. Aucun de tes mandants n’aura le courage de se montrer au grand jour. Nous en avons parlé, toi et moi, pourtant ; ils t’utilisent. Mais, que tu te sois laisser berner ; que tu te sois renié si facilement, aujourd’hui, voilà qui me désole. Si ton idée est bonne, pourquoi n’en parles-tu pas à ceux avec qui tu as signé un pacte en 2000 ?

Tu as trahi notre lutte pour des intérêts mesquins et égoïstes. Tout se fait par génération, tu le sais autant que moi. Tu auras à rendre compte à tes promotionnaires de ce que bassement, en route pour leur promotion, tu les as lâchés et trompés ; et qu’au bout, tu n’auras rien eu, parce que tu ne gagneras pas la présidence du Pdci-Rda, puisqu’on apprend, dans les couloirs, que tu te porteras candidat au 12ème Congrès ; tu as sacrifié tous ces jeunes qui croyaient en toi. Car, par ta faute, 10 ans risquent de voler en éclats. Ta responsabilité est grande. Voici ma douleur, mon frère Bertin. Et, puisque tu as choisi de trahir notre lutte, quelle leçon retenir de toi ? Tes mandants te le diront mieux que moi. La parole d’un traître ne vaut un feu de paille !

Fraternellement,

Denis Kah Zion